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21 juin 2010 | à 21h21

Dans le rétro : Majid Musisi

Si je vous dis Ouganda, vous me répondrez sûrement Amin Dada. Plus connu pour son dernier roi d'Ecosse que pour ses illustres footballeurs, ce pays d'Afrique de l'Est n'en inspire pas moins les dirigeants du Stade Rennais à l'orée de l'exercice 1992-1993. Relégué en deuxième division, le club de la capitale bretonne souhaite au plus vite remonter parmi l'élite. Il fait alors appel au « plus grand joueur ougandais de tous les temps » pour mener à bien sa mission...

Dans le rétro : Majid Musisi

13 mai 1992, Strasbourg, Stade de la Meinau. Au terme d’un match de barrages resté dans les mémoires (surtout alsaciennes), le Stade Rennais dit adieu à la D1. Défaits 4-1 par les partenaires du futur champion du monde Frank Leboeuf (après le 0-0 de l’aller), les Bretons subissent leur 4e relégation en quinze ans. De quoi réjouir les adeptes de la fameuse devinette : « Qu’est-ce qui est rouge et noir, qui monte et qui descend ? », particulièrement en vogue dans les années 80...

Toujours sous la coupe de Didier Notheaux, mais sans les Baltazar, Shala et autre Sliskovic (précurseurs d’une grande spécialité maison : le recrutement offensif raté), Rennes rejoint donc l’antichambre du football français. Une D2 qu’il aurait déjà dû retrouver l’année précédente, sans les rétrogradations administratives de Bordeaux, Brest et Nice... rien que ça ! Dans l’optique de ne pas musarder au purgatoire, le président René Ruello décide de s’attacher les services d’un duo africain, plus célèbre aujourd’hui pour les jeux de mots faciles qu’il a engendrés que pour ses arabesques tant espérées sur le terrain.

Un palmarès hors norme

Si l’on ne s’attardera pas sur le cas Arthur Fahr, Libérien d’origine ayant débarqué à l’âge de 20 ans (et auteur de huit réalisations au cours de son unique saison passée au club), celui de Majid Musisi Mukiibi mérite davantage d’attention. Né le 15 septembre 1967 à Kampala, capitale de l’Ouganda, le jeune Majid débute sa carrière professionnelle en deuxième division sous les couleurs de Mulago. Attirant toutes les convoitises, il est enrôlé à l’âge de 17 ans par le plus grand club du pays, le SC Villa (en référence aux Anglais de Birmingham). Il y remporte quatre championnats et trois Coupes nationales, raflant au passage quatre titres de meilleur buteur (Musisi claquera au total 138 buts en Ligue ougandaise entre 1984 et 1992).

Le talent de celui que l’on surnomme « Magic », mais également « Tyson » pour son physique similaire au célèbre boxeur, s’exprime aussi au niveau continental. En 1991, le SC Villa parvient en finale de la Coupe UEFA made in Africa, seulement battu par les Nigérians du Shooting Stars FC. Auteur du but décisif en demi-finale, Musisi termine top scorer de la compétition avec 10 réalisations et est ensuite nommé pour le trophée de meilleur joueur africain de l’année (qui récompensera in fine un certain Abedi Pelé). Ajoutez à cela deux CECAFA Cup (la plus ancienne des épreuves africaines), glanées en 1989 et 1990 avec « The Cranes » - surnom de l’équipe nationale ougandaise – et vous comprendrez aisément que Majid Musisi soit auréolé d’un prestige plutôt flatteur à son arrivée au Stade Rennais.

Mais contrairement à ses deux illustres prédécesseurs issus du berceau de l’Humanité (l’Ivoirien Laurent Pokou et le Camerounais François Omam-Biyik), le premier footballeur ougandais de l’histoire à poser ses valises en Europe ne convainc pas les observateurs durant son séjour en terre bretonne. Certes meilleur finisseur du club en 1992-1993 (dix buts, toutes compétitions confondues), Musisi n’enflamme guère les foules en raison de sa maladresse face aux gardiens adverses. Ce n’est qu’en de trop rares occasions - comme par exemple lors de la double confrontation d’avec les Manceaux (championnat et Coupe de France) – que son entente avec Arthur Fahr fait merveille. Résultat, Magic Majid ne permet à Rennes de remonter directement à l’échelon supérieur. Impliqué sur le fameux but de Jocelyn Rico contre Nice (1-0), lors du pré-barrage d’accession, il subit à l’instar de ses partenaires la loi de l’AS Cannes au tour suivant (0-1, 0-3).

Renouveau en Turquie

Eclipsé par la confirmation Jocelyn Gourvennec (14 buts à son actif) et l’émergence des jeunes pousses du centre de formation (Darbelet, Huard, Le Pen, Wiltord), Musisi n’inscrit que huit buts lors de l’exercice 1993-1994. Désormais drivée par Michel Le Milinaire, l’équipe rennaise termine une fois de plus deuxième de son championnat, mais nouvelle formule de D2 oblige (poule unique à 22 clubs), accède à la première division en compagnie de l’OGC Nice et du SC Bastia. Les Corses viendront d’ailleurs s’imposer route de Lorient lors de l’ultime journée, privant ainsi le SRFC du titre honorifique de champion et gâchant la fête prévue à cette occasion (spectacle pyro-technico-laser sitôt le coup de sifflet final donné)...

Logiquement poussé vers la sortie (son bilan en rouge et noir est le suivant : 61 apparitions pour 18 buts marqués), Musisi trouve refuge en première division turque. D’abord à Bursaspor (1994-1997), où il inscrit 31 buts en 77 matches. Durant cette période, il est élu meilleur joueur étranger de l’année (1996) et invente même la « marche du crocodile » (plus connue sous le nom de « chenille ») lors d’une rencontre de Coupe Intertoto face aux Allemands de Karlsruhe. Il est ensuite transféré au Dardanelspor (1997-1999) pour la modique somme d’un million de dollars, devenant ainsi le joueur ougandais le plus cher de l’histoire (en contrepartie, il plante à 29 reprises en 79 sorties). Après un crochet par le Viêtnam, Musisi revient dans son club de coeur (le SC Villa) en 2001, puis conclut sa carrière au Ggaba United.

Grandeur et décadence

En dehors des stades, le prodige jouit pour le moins d’une réputation sulfureuse, qui ne fait qu’ajouter à sa légende dans son pays natal. A l’instar d’un George Best ou d’un Paul Gascoigne, l’ami Majid est assez porté sur la bouteille (bien qu’étant musulman). Il fut de ce fait renvoyé de sa sélection en 2002 pour avoir consommé de l’alcool en compagnie de ses coéquipiers. Parmi ses plus « hauts » faits d’arme, notons aussi son refus de participer au match de qualification de la Coupe d’Afrique des Nations 1994 au Zaïre, par soutien envers son partenaire Paul Hasule. Ce dernier venait d’être suspendu par la FIFA pour avoir, paraît-il, frappé un arbitre au cours d’une rencontre de championnat. En 1997, il montre délibérément son postérieur au président du SC Villa après une vive altercation. Moins drôle, Musisi séjourne par la suite quelque temps en prison pour un présumé viol commis sur une étudiante de 16 ans. En dépit de toutes ces péripéties, la star conserve une aura intacte auprès de ses compatriotes, à jamais conquis par ses actions de grande classe et son amour du football.

Le 13 décembre 2005, Majid Musisi Mukiibi décède à seulement 38 ans, des suites d’une longue maladie. Le chroniqueur local Aldrine Nsubuga dira de lui : « C’était le seul attaquant capable de marquer à chaque match. […] Fort physiquement, il était aussi bon à terre que dans les airs, et pouvait scorer de n’importe quel endroit, y compris sur coup-franc. » Le 13 décembre 2009, quatre ans jour pour jour après sa mort, un hommage lui est rendu avec l’organisation, par la fondation* portant son nom, d’un tournoi au Nakivubo Stadium (l’antre du SC Villa).

*Lui-même illettré, Majid Musisi avait décidé de venir en aide aux footballeurs retraités, tout en encourageant les clubs à assister ceux en activité dans leur reconversion et les initier à différents domaines (management, informatique, photographie).

Crédits photos : desportivofutebol.blogspot.com, bursaspor.org.tr, goal.com & newvision.co.ug

Vos réactions (9 commentaires)Commenter
Roazhon22 juin 2010 à 11h34

Très bel article, et très belle idée, cette rubrique « rétro » ! En ce qui me concerne, j’aime beaucoup !

LeBretonDu3722 juin 2010 à 13h03

Ami(e)s Supporters bonjour, tout à fait d’accord avec Rohazon, d’autant plus que j’ai vu Musisi a Sarzeau (56) en stage d’avant saison avec Attila ( Notheaux ) je dois encore avoir son autographe meme !
Il faudrait garder ces articles pour nous suporters de Rennes !!!! Et nostalgique aussi... 1 pensée pour toi Majid .

nounours3522 juin 2010 à 17h33

Bonjour à tous les nostalgiques j’aime bien et j’en redemande.

el maestro pierro23 juin 2010 à 01h16

Trés bien
A poursuivre avec d’autres joueurs
Merci beaucoup...

FC United23 juin 2010 à 23h39

En 94 je me souviens d’une défaite contre Le Mans à l’ultime journée et non contre les corses. Effectivement une fête un peu gachée mais je crois qu’on a eu le droit à un concert d’EV mais je n’en suis plus très sûr. En tout cas, envahir la pelouse, si c’est pas du rétro !!!

Arthur FARH, quel but contre Le Mans en coupe en mars 93. Son plus haut fait d’arme en r&n...

Scandalous24 juin 2010 à 11h42

Effectivement FC United, je me suis un peu emmêlé les pinceaux...

C’est bien Le Mans qui avait privé Rennes du titre à la dernière journée. Le concert d’EV, c’était ce soir-là.

La défaite contre Bastia avait eu lieu un peu plus tôt (fin février), avec le fameux spectacle que j’évoquais.

Caca-pourri25 juin 2010 à 19h54

Apparemment l’ami Rodi fréquente beaucoup plus le site et ses articles que le forum (et ses floodeurs), c’est pourquoi je lui fais un petit coucou en espérant le recroiser un jour IRL ! Bel article également.

Dieu (le Vrai)26 juin 2010 à 00h28

LOL

Je t’aime mon Caca. :)

Bea3 novembre 2017 à 23h38

Un joueur plein de talent et d amour pour le football ...il n a pas trouvé ses marques au sein du SRFC ,mais C était une belle personne !

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