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18 avril 2012 | à 19h11

Michel Sorin : « Cela s’arrête trop vite... »

Interview, 1ère partie. Adjoint de Vahid Halilhodžić, László Bölöni mais également de Pierre Dréossi, tout en ayant disputé près de deux cent matchs en équipe première, Michel Sorin a toute légitimité pour parler du Stade Rennais. Pour Stade Rennais Online, l'ancien défenseur central revient sur son passé teinté de rouge et de noir.

Michel Sorin : « Cela s'arrête trop vite... »

Stade Rennais Online : Si je vous dis : Stade Lavallois et Stade Rennais. Vous placez ces deux clubs sur la même échelle ou il y en a un qui ressort plus que l’autre ?

Michel Sorin : « Oh non ! C’est évidemment le Stade Rennais, parce que je l’ai quitté il y a peu. Puis je ne connais plus beaucoup de monde maintenant à Laval, à part Michel Le Milinaire. Je côtoie toujours des gens de là-bas, mais je ne m’intéresse pas trop au Stade Lavallois, excepté la réserve puisqu’elle est dans notre groupe en CFA2. Je garde quand même d’excellents souvenirs de mon club formateur. Ma formation tout d’abord avec un entraîneur exceptionnel, Bernard Maligorne. Il travaille aujourd’hui pour le Stade Rennais (recruteur, ndlr). C’est une personne très intéressante avec laquelle j’ai beaucoup appris. J’ai également eu la chance de passer par un centre de formation flambant neuf et de débuter dans une équipe qui marchait plutôt bien à l’époque. »

SRO : Le Stade Lavallois, c’est quand même cette épopée de 1983 en Coupe d’Europe. Cette qualification face au Dynamo Kiev d’Oleg Blokhine, Ballon d’or en 1975. Il y avait pire pour des débuts professionnels ?

M.S. : « Avec une équipe composée essentiellement de Mayennais, on a réalisé une aventure magnifique, vivant une communion exceptionnelle avec les supporters. Même quand les années passent, ce sont des choses que l’on ne peut pas oublier. Après quand on voit des joueurs comme Blokhine, Lozynskyi et Zavarov, c’est grand ! À ce moment-là, le Dynamo Kiev était un très grand club, une grande équipe européenne que l’on avait réussi à battre… De temps en temps, quand je retourne chez moi, Radio Mayenne (une radio locale, ndlr) retransmet des extraits du match. Encore aujourd’hui, en entendant ça, cela me donne des frissons partout.

SRO : Il y a des encore des regrets sur ce match retour face à l’Austria Vienne (0-2, 3-3) alors que vous meniez de trois buts au retour ?

M.S. : « Non, pas du tout ! Il se peut aussi que l’on était en surrégime durant ce parcours, on avait une formation très jeune, donc peu d’expérience pour gérer ce genre de match. Ce que l’on avait fait, c’était déjà très bien même si on sait que l’on aurait pu aller plus loin. Si regrets il y a, c’est au niveau du match aller (défaite en Autriche sur le score de 2 à 0, ndlr) où la crainte était vraiment palpable dans nos rangs, alors qu’il y avait quelque chose à faire. »

SRO : Ce fut un crève-cœur de quitter ce club pour le Stade Brestois, à l’orée de la saison 1989-1990 ?

M.S. : « Ce fut difficile, car après tant d’années, je quittais mon club formateur mais aussi ma famille. On espérait tous rester mais, comme c’est souvent le cas, les dirigeants de l’époque ont estimé que c’était peut-être mieux à l’extérieur. Du coup, ils n’ont pas conservé les gens du coin. Je me dis maintenant que j’ai vécu, par la suite, notamment à Brest, des choses complètement différentes. C’est magnifique de jouer une fin de saison à enjeu dans un club, que ce soit une montée ou une descente, au regard de la communion qui s’installe entre les joueurs et le public. Ce sont des moments à part. J’ai encore le souvenir de ce dernier match à Paris, les supporters brestois avait même fait le trajet jusque dans la capitale pour nous supporter, remplissant un train en entier. Si on gagnait on se sauvait, mais on a malheureusement perdu. Cependant, personne ne nous a jamais rien reproché parce que l’on avait fait le maximum. Tout le monde était déçu mais on avait tellement donné... »

SRO : Vous vous rappelez de vos débuts au Stade Rennais ?

M.S. : « Ce n’était pas simple au départ, vu que je venais de Laval et de Brest. Rennes étant une ville un peu plus bourgeoise que Laval, les Rennais considéraient les Lavallois soi-disant comme les « paysans ». L’exigence était beaucoup plus élevée, on le remarque encore aujourd’hui par le fait que les supporters rennais sont plus spectateurs, moins fervents... Il faut se rappeler où se trouvait le Stade Rennais il y a encore quelques années. »

« J’ai fait une carrière presque inespérée »

SRO : Qu’est-ce que vous retenez de cette période difficile pour le Stade rennais, avec plusieurs accessions en D1 mais surtout des saisons difficile dans l’élite ?

M.S. : « C’était compliqué du fait que l’on avait des rapports difficiles avec les journalistes. C’était d’autant plus dur que j’étais capitaine de l’équipe, mais cela ne m’a jamais dérangé. Les exigences à Rennes n’ont rien à voir à Brest ou Laval voire Lorient. »

SRO : Et l’ambiance dans le vestiaire. Ce n’est pas difficile de composer avec des résultats bancals ?

M.S. : « Mais elle était exceptionnelle ! Ah, mes premières années à Rennes... (regard pensif) C’est impossible de faire le parallèle avec maintenant. Avant, les joueurs se connaissaient tous, on n’avait pas le droit de recruter plus de trois étrangers et il y avait tellement de choses qui faisaient que l’on ne s’expatriait pas. Entre les joueurs, on avait une relation proche, plus en tout cas que maintenant. On était aussi moins nombreux, on était dix-huit professionnels à l’époque, en comptant les jeunes. Aujourd’hui, ils sont vingt-cinq ou trente professionnels. Par conséquent, plus de la moitié d’une équipe se retrouve sur la touche le week-end. Il y avait moins de concurrence donc obligatoirement une bonne ambiance dans le groupe. Je me rappelle que l’on nous avait juste reproché que les Mayennais étaient tout le temps ensemble. On était là avant-tout pour le club et rien d’autre. Puis, moi, je connaissais aussi mes moyens, je n’avais pas des qualités exceptionnelles pour dire "je fais ça, ça et ça..." J’avais besoin de mes partenaires pour réussir et il était primordial de former un vrai groupe. Je crois toujours à ces valeurs humaines car le football, quoi qu’on en dise, cela reste un jeu. Quand on s’entend bien sur le terrain, inconsciemment on fait l’effort pour les uns et les autres. L’entraîneur y fait beaucoup aussi. Quand je vois Michel Le Milinaire ou bien Raymond Kéruzoré, ils savaient y faire. Mais la relation entraîneur-joueur n’est plus la même. »

SRO : La faute au côté financier qui rentre dorénavant en ligne de compte. Il doit y avoir un contraste saisissant entre ce que vous avez connu et maintenant.

M.S. : (rires) « Nous, on trouvait que c’était déjà énorme pour les joueurs qui étaient passés avant nous. Maintenant, c’est encore plus énorme ! Après, je ne sais pas si cet aspect va s’accroître... D’un côté, tant mieux pour eux, ils ne braquent personne pour gagner cet argent-là. Si je jouais aujourd’hui, je serais évidemment très heureux de gagner ça. Je ne peux pas non plus critiquer ce point, vu que mes enfants jouent aussi au football. C’est l’évolution du football qui le veut... »

SRO : Vous ne trouvez pas que cela ait fissuré les valeurs du football ? Les personnes ont plus de mal aujourd’hui à s’identifier à leur club, ce qui était quand même moins le cas auparavant.

M.S. : « On est toujours nostalgique des choses. À cette époque-là, on était autant critiqué que maintenant, c’était aussi difficile avec les journalistes que les supporters. Quand on revient en arrière, on a toujours tendance à dire "c’était mieux avant..." Je ne le crois pas, il y avait autant de difficultés. Mais d’un côté, heureusement que l’on est nostalgique des choses, surtout au niveau d’un club de football. Il faut connaître son histoire et c’est très important d’en parler. »

SRO : D’après vous, quelle image de joueur avez-vous renvoyé durant votre carrière de joueur ?

M.S. : « Je n’avais pas de talent (rires). J’étais conscient de mes limites mais c’est aussi ma force parce que je savais ce que j’étais capable de faire et surtout de ne pas faire. Chacun son rôle. »

SRO : Ce sont aussi des joueurs comme vous qui marquent le plus finalement.

M.S. : « Peut-être. Maintenant, il faut prendre conscience que j’avais besoin des joueurs de talent, mais que ces derniers avaient aussi besoin de moi pour réussir. J’ai toujours vu ça comme cela. Si j’avais été super fort, je l’aurais dit mais il ne faut pas exagérer non plus (sourire). J’ai fait une carrière presque inespérée selon moi. Je me souviens que Bernard Maligorne disait "Michel, il court moins vite, il est moins technique mais... il joue tout le temps". Je pense que j’étais un joueur qui était intelligent, qui anticipait très vite parce que j’avais des défauts. En fin de compte, les gens qui ont des handicaps travaillent pour que leurs problèmes ne se voient pas. Une personne aveugle va décupler son toucher et son écoute. Et bien moi, c’était un peu pareil. Pour être devant l’attaquant, il fallait que j’anticipe et que je vois les choses avant les autres. Puis j’avais une grosse volonté, j’étais un joueur qui ne lâchait jamais. Jamais... »

« Michel Le Milinaire, il imposait le respect »

SRO : Durant votre passage, vous avez eu la chance de côtoyer Erik van den Boogaard. Les duels à l’entraînement devaient être assez rugueux ?

M.S. : « Je n’ai pas joué longtemps avec lui, juste un an. C’était le buteur type, le vrai, prolifique dans toutes les périodes, qui ne pensait qu’à lui... Mais c’est ça aussi les grands buteurs, ce sont des personnes égoïstes. Il avait aussi la chance d’avoir deux gars à côté de lui, en l’occurrence les frères Delamontagne (Patrick et Laurent, ndlr), qui lui mettaient aussi des « galettes ». Mais celui qui m’a le plus marqué et c’est vraiment dommage qu’il n’ait pas joué plus longtemps au Stade Rennais, que l’on n’a pas vu assez dans une condition physique optimum, c’est François Omam-Biyik. Il m’a d’ailleurs invité à son jubilé au Cameroun (qui se déroulera au mois de mai, ndlr) mais je ne peux pas y aller, en raison de mes fonctions d’entraîneur. C’était un super joueur, élégant, technique, il allait très vite... Il avait vraiment tout. J’en ai connu d’autres comme Gérard Buscher ou Roberto Cabañas à Brest, Patrick Delamontagne à Rennes qui ne peut évidemment pas y échapper car c’était un joueur extraordinaire. Même Arnold Oosterveer, c’était quelqu’un qui représentait quelque chose. Maintenant, il faudrait que je revois les photos parce que c’est difficile de vous sortir des noms comme ça. »

SRO : Quelle relation entreteniez-vous avec Michel Le Milinaire ? Vous vous êtes pas mal suivis dans vos carrières respectives ?

M.S. : (admiratif) « Du respect tout d’abord, mais je pense que l’on en a l’un envers l’autre. On se voit souvent, on s’est encore vus la semaine dernière (entretien réalisé le 4 avril dernier, ndlr). C’est quelqu’un d’extraordinaire, c’est un Monsieur et je ne sais pas si on reverra des gens comme ça. À l’instar d’Henri Bisson (président historique du Stade Lavallois, qui l’a dirigé de 1947 à 1986, ndlr), il avait une personnalité énorme, il savait faire les choses tout seul, sans forcer, sans jouer de rôle. Il avait également un charisme pour faire passer des messages sans s’énerver, en étant posé... Rien que le fait d’être dans une salle, c’est quelqu’un qui impose le respect. De plus, il est resté très ouvert, il parle de football avec n’importe qui. »

SRO : Durant votre dernière année au Stade Rennais, vous obtenez un faible temps de jeu (seulement trois titularisations, ndlr). C’était convenu d’entrée avec Michel Le Milinaire ou la hiérarchie des défenseurs centraux s’est formée au fil des journées ?

M.S. : « Quand on est joueur, on a toujours envie de jouer. Rien n’était défini, une concurrence s’est installée puis, en France, dès que l’on passe la trentaine on devient trop vieux. Après, les circonstances ont fait qu’en étant remplaçant, je n’avais pas l’impression de servir à grand-chose. C’est pour ça que quand le club m’a proposé en pleine saison de prendre la réserve, je l’ai prise. C’était un choix réfléchi car je voulais déjà devenir entraîneur à ce moment-là, j’avais passé mes premiers diplômes à l’âge de vingt ans. Quand j’étais joueur à Laval, j’allais entraîner les petits de Cossé-le-Vivien (sa commune de naissance, ndlr) le mercredi. Cela ne se fait plus ça d’ailleurs, c’est dommage car c’est une bonne école. J’ai toujours voulu entraîner, et puis c’était quand même une belle opportunité de prendre en charge une réserve professionnelle, un beau challenge. J’étais en plus en fin de contrat, j’avais trente-quatre ans, je n’ai pas réfléchi cent fois pour prendre cette décision. »

SRO : Que retenez-vous de cette longue carrière de onze années dans le professionnalisme ?

M.S. : « Que du bonheur ! Cela s’arrête trop vite et je m’aperçois aujourd’hui qu’il vaut mieux être joueur qu’entraîneur (rires). Cela va vraiment trop vite et c’est toujours après que l’on s’en aperçoit. Quand on est à l’intérieur on est fatigué, mais au bout du compte ce n’est que du bonheur de jouer au football. »

Retrouvez demain la deuxième partie de l’interview, où Michel Sorin évoque sa carrière d’entraîneur.

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