Mesures de protection juridique : le guide complet pour protéger un proche

Mesure de protection

Une mesure de protection juridique permet d’accompagner un proche adulte qui n’est plus en état de défendre ses intérêts seul. Elle s’adresse aux personnes dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées, de manière temporaire ou durable, et qui ne sont plus capables de gérer leurs affaires personnelles, administratives ou patrimoniales. Le but n’est pas de priver, mais de protéger. Préserver ce qui peut l’être. Maintenir l’autonomie dès qu’elle reste possible. La protection juridique vise donc deux choses : garantir la sécurité de la personne concernée et sécuriser ses biens.

C’est le juge des contentieux de la protection, plus connu sous le nom de juge des tutelles, qui décide de la mise en place, du renouvellement ou de la suppression d’une mesure. Sa mission n’est pas d’agir à la place des familles, mais d’arbitrer, dans l’intérêt de la personne vulnérable.

Panorama des mesures de protection

Sauvegarde de justice : protection ponctuelle et réversible

La sauvegarde de justice est une protection temporaire, souvent utilisée dans l’urgence ou comme sas avant une mesure plus lourde. Elle permet à la personne protégée de continuer à gérer elle-même ses affaires, tout en étant représentée ou assistée pour certains actes. C’est le cas, par exemple, d’un patient hospitalisé pour un AVC sévère, qui ne peut plus signer un contrat de vente sans risquer de se faire léser. Le juge peut alors nommer un mandataire spécial pour agir sur un point précis, sans altérer le reste de sa capacité juridique.

Curatelle : simple, renforcée ou aménagée

La curatelle s’adresse aux personnes dont l’altération des facultés mentales ou corporelles reste partielle. Le principe est l’assistance, pas la représentation. La personne conserve le droit d’agir seule pour les actes courants (payer un loyer, ouvrir un compte), mais elle a besoin de son curateur pour les actes dits de disposition (vendre un bien, faire une donation). Dans sa forme renforcée, le curateur peut également gérer les ressources de la personne protégée. Une curatelle aménagée permet de calibrer précisément le périmètre d’intervention, selon la situation concrète.

Tutelle : assistance la plus complète

La tutelle est la mesure la plus contraignante. Elle concerne les personnes totalement inaptes à veiller sur elles-mêmes ou à gérer leurs biens. Dans ce cas, le tuteur agit au nom de la personne, sauf exceptions légales (choix du lieu de résidence, relations familiales). Un jeune adulte atteint de schizophrénie sévère, par exemple, pourra être placé sous tutelle si sa désorganisation cognitive l’empêche de prendre des décisions stables et éclairées.

Habilitation familiale : alternative intrafamiliale

L’habilitation familiale permet à un membre de la famille d’agir pour le compte d’un proche, sans contrôle régulier du juge. Elle suppose un consensus familial. Moins encadrée, mais plus souple, elle est souvent utilisée pour les situations stables. Par exemple, un fils peut être habilité à gérer les comptes bancaires de sa mère souffrant de la maladie d’Alzheimer, sans que la mesure soit réévaluée tous les ans.

Mandat de protection future : anticiper sa propre protection

Le mandat de protection future est un contrat signé par une personne encore lucide, qui désigne à l’avance celui ou celle qui prendra soin d’elle si, un jour, elle perdait ses facultés. Ce mécanisme permet d’anticiper et d’éviter des conflits familiaux. Un chef d’entreprise de 60 ans peut, par exemple, mandater son épouse pour gérer ses biens professionnels et personnels en cas de dégradation cognitive. Le mandat prend effet dès que l’altération est médicalement constatée.

Déterminer si une protection est nécessaire

Signes d’altération des facultés mentales ou corporelles

Avant de parler de mesure, il faut observer. Un proche qui oublie de payer ses factures, qui se fait manipuler pour donner de l’argent, ou qui prend des décisions incohérentes dans la gestion de ses biens, peut avoir besoin d’une protection juridique. Mais attention à ne pas confondre vulnérabilité et désaccord. Un choix jugé absurde par la famille n’est pas nécessairement un signe de perte de discernement.

Certificat médical circonstancié : rôle du médecin habilité

La loi impose un certificat médical circonstancié, rédigé par un médecin inscrit sur la liste du procureur. Ce document, indispensable à la procédure, décrit précisément l’état de la personne, ses capacités à comprendre, à décider, à s’exprimer. Il détermine le type de mesure envisageable. Sans ce certificat, le juge ne peut rien trancher.

Questions-clefs pour la famille avant la requête

Avant de se lancer, la famille doit se poser plusieurs questions :

  • La personne en danger est-elle d’accord pour être accompagnée ?
  • Des solutions plus légères (procuration, aide sociale) ont-elles été tentées ?
  • Qui, dans la famille, est prêt à assumer un rôle de curateur ou tuteur ?

Il ne s’agit pas d’anticiper le pire, mais d’ouvrir le dialogue. La mesure ne doit jamais être un réflexe automatique, mais un dernier recours, conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Conditions et critères d’ouverture

Exigences légales : articles 425 à 428 du Code civil

Le cadre légal est posé par les articles 425 à 428 du Code civil. Il impose une altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles, empêchant la personne de pourvoir seule à ses intérêts. Il précise aussi que la mesure ne peut viser qu’une protection, pas une sanction.

Qui peut saisir le tribunal judiciaire ?

La requête peut être déposée par la personne concernée, un membre de la famille, un proche, le procureur de la République, ou même un travailleur social. Dans tous les cas, elle doit être motivée et accompagnée des pièces nécessaires, dont le certificat médical.

Principes de subsidiarité et de proportionnalité

Le juge ne peut prononcer une mesure que si aucune autre solution n’est possible, et il doit choisir la moins contraignante. C’est le principe de subsidiarité. De même, il adapte la mesure au degré d’incapacité : c’est le principe de proportionnalité. Ainsi, une curatelle simple sera préférée à une tutelle si la personne peut encore participer à ses décisions.

Procédure pas à pas devant le tribunal judiciaire

Préparer la requête

Vous cherchez comment demander une mesure de protection ? Trouvez votre avocat sur notre site pour vous protéger. La requête doit être adressée au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire dont dépend la personne à protéger. Elle contient :

  • Un formulaire type de demande (à télécharger sur le site justice.fr ou disponible en mairie)
  • Un certificat médical circonstancié de moins de six mois
  • La copie d’une pièce d’identité
  • La liste des actes que la personne ne peut plus accomplir seule

Dépôt au greffe et enregistrement

Une fois la requête déposée, elle est enregistrée au greffe. La procédure est gratuite, sauf si la personne souhaite se faire représenter par un avocat, ce qui est rarement obligatoire.

Audition du majeur et des proches

Le juge auditionne la personne concernée, sauf si son état de santé l’en empêche. Il entend aussi les proches, le médecin s’il le juge utile, et parfois le tuteur envisagé. Le but est d’évaluer la situation dans sa globalité.

Décision, durée et mention au registre

La décision est notifiée par courrier. Elle précise la mesure, sa durée (maximum 5 ans, sauf exception), et les modalités de gestion. Elle est mentionnée en marge de l’acte de naissance. Cette publicité permet d’informer les tiers, comme les banques ou notaires.

Voies de recours

Toute décision du juge peut être contestée devant la cour d’appel, dans un délai de 15 jours. Le recours suspend ou non l’exécution selon les cas. En pratique, les recours sont rares, sauf conflit familial.

Droits et devoirs des représentants et des majeurs protégés

Gestion des biens : actes conservatoires, d’administration, de disposition

Le représentant légal peut être amené à accomplir trois types d’actes :

  • Conservatoires : protéger un bien (changer une serrure, payer une assurance)
  • D’administration : gérer le quotidien (payer les factures, renouveler un bail)
  • De disposition : vendre un bien, accepter un héritage… ces actes nécessitent souvent l’accord du juge

Autorisations préalables et contrôle du juge

Les actes les plus engageants nécessitent une autorisation du juge. Celui-ci veille à éviter les abus, surtout quand il s’agit de vendre un logement ou de placer une somme d’argent. Le tuteur ou curateur doit rendre des comptes régulièrement (rapport annuel, inventaire de patrimoine).

Responsabilité et garanties

Le représentant est responsable civilement et pénalement des fautes de gestion. S’il agit pour son propre intérêt ou commet une négligence grave, il peut être condamné. C’est pourquoi il est parfois conseillé de demander une assurance ou de confier la mission à un professionnel.

Rémunération et frais

Si le représentant est un professionnel (mandataire judiciaire à la protection des majeurs), sa rémunération est fixée par l’État. S’il s’agit d’un membre de la famille, il agit en principe à titre gratuit, sauf décision contraire du juge. Les frais de procédure sont généralement à la charge de la personne protégée.

Modifier ou mettre fin à la mesure

Révision périodique obligatoire

Toute mesure doit être réexaminée à échéance. Le juge peut la renouveler, l’alléger ou l’arrêter. Ce contrôle évite que des mesures inutiles ne se prolongent dans le temps. Par exemple, après une rééducation réussie, une curatelle peut être levée.

Allégement ou mainlevée

À tout moment, un allégement ou une mainlevée peut être demandé, en justifiant d’un changement de situation. Le juge apprécie au cas par cas, sur la base d’un nouveau certificat médical.

Ressources pratiques pour les familles

Contacts utiles

Les maisons de justice et du droit, les associations tutélaires (UDAF, ATMP), les mairies et les conseils départementaux peuvent accompagner les familles dans la préparation du dossier et la compréhension des droits. Vous pouvez aussi prendre rendez-vous avec un avocat.

Modèles de requête

Des modèles sont disponibles sur le site justice.fr, notamment pour les demandes de tutelle, curatelle ou habilitation familiale.

Liste des médecins habilités

La liste des médecins agréés est fournie par chaque tribunal judiciaire ou par le site de la préfecture. Seuls ces professionnels peuvent rédiger un certificat médical recevable.

Aides et formation pour les tuteurs familiaux

Des formations gratuites sont proposées par les conseils départementaux pour aider les tuteurs familiaux à prendre leurs fonctions. Certaines caisses de retraite ou mutuelles proposent aussi des aides ponctuelles ou un accompagnement juridique.