Un œil dans le rétro : Jean Prouff

Publié le 11 janvier 2012 à 11h39 par Rodighiero

En marge de la rencontre opposant le Stade rennais au Stade Malherbe de Caen, pour le compte de la 20e journée du championnat de France de Ligue 1, Stade Rennais Online vous propose de revisiter la carrière d’une personnalité commune à l’histoire des deux clubs, en l’occurrence celle de l'emblématique Jean Prouff.

Le porte-drapeau du football breton

Né le 12 septembre 1919 à Peillac dans le Morbihan, Jean Prouff incarne à lui tout seul la riche et longue histoire du football breton. Dans un premier temps joueur émérite du Stade Rennais, devenu ensuite l’un des entraîneurs référence du football hexagonal, son nom est également indissociable de l’histoire du club de la capitale bretonne. En effet, Jean Prouff signe sa première licence stadiste en 1933 comme minime, mais doit quitter le club rennais trois années plus tard pour suivre sa famille qui déménage à Nantes. Alors qu’il est déjà considéré comme l’un des plus grands espoirs du football breton, il continue son apprentissage du ballon rond à la Saint-Pierre de Nantes, un petit club situé en périphérie de la cité des ducs. En parallèle, il brille dans plusieurs autres sports, et notamment en athlétisme où il devient champion de Bretagne des disciplines du 400 et du 800 mètres.
Après une saison passée au SC Fives près de Lille, où il paraphe son premier contrat de joueur professionnel, Jean Prouff revient à Rennes en 1941, pour y disputer les championnats fédéraux organisés durant les terribles années de l’occupation. La guerre freine alors quelque peu sa fulgurante progression, mais le joueur morbihannais s’affirme pourtant de plus en plus comme l’un des meilleurs footballeurs hexagonaux de sa génération. Obligé de retourner à Fives l’espace d’une saison, lors de l’exercice 1942-1943, il bouleverse encore son parcours et regagne de nouveau les rangs du Stade rennais à partir de 1944. Ses performances sont rapidement convaincantes, si bien qu’il honore dans la foulée sa première sélection en équipe de France face à la Tchécoslovaquie, lors d’une rencontre disputée au stade de Colombes.

Grand gabarit, capable d’évoluer à tous les postes de l’attaque et du milieu de terrain, il est la clé de voûte de l’effectif stadiste jusqu’en 1948, année durant laquelle il s’engage avec le mythique Stade de Reims. Le montant de son transfert avoisine alors les trois millions de francs, ce qui à l’époque constitue une très grosse somme. Joueur pétri de talent, au style spectaculaire et particulièrement efficace, il devient champion de France l’année suivante. La même année, en 1949, il porte le brassard de l’équipe de France à trois reprises, et essuie un retentissant échec lors des qualifications pour la phase finale de la Coupe du monde brésilienne de 1950, disputées face à la Yougoslavie. Cette défaite sonne d’ailleurs le glas de ses ambitions tricolores, et égratigne quelque peu le moral de l’inamovible joueur breton. Sous le maillot frappé du coq, il a pourtant brillé et marqué un but contre l’Angleterre le 19 mai 1946 à Colombes, sur un centre tir lobé qui est salué comme une réalisation extraordinaire par toute une presse unanime et particulièrement dithyrambique à son égard. Mais le joueur breton, honnête comme toujours, avouera plus tard qu’il n’avait voulu que centrer.
Entre 1946 et 1949, il est sélectionné à dix-sept reprises en équipe de France où il forme, avec son ami breton Antoine Cuissard, l’une des meilleures paires de milieux de terrain que le football français ait connues. Grand voyageur, Jean Prouff enfile le maillot des « Diables Rouges » du FC Rouen par la suite, puis retrouve le club stadiste en 1950 et y effectue deux saisons supplémentaires. Joueur imposant, athlétique et particulièrement endurant, il aura disputé la bagatelle de 183 matches de championnat (49 buts), et 28 matches de coupe (13 buts) sous la tunique rouge et noire, et ce, tout au long de ses différents séjours dans la capitale bretonne. Contre-attaquant généreux, il prend ensuite la direction de Caen comme entraîneur-joueur, puis celle d’Aix-en-Provence où il termine finalement sa brillante carrière de footballeur.

Raymond Kéruzoré et Jean Prouff.

Au panthéon du Stade rennais

Éducateur dans l’âme, mais également défenseur acharné de l’offensive, « Monsieur Jean » entame donc ensuite une prometteuse carrière d’entraineur, qui le mène successivement à Caen, Aix-en-Provence, Guingamp, Boulogne, et au Red Star. Il prend ensuite en main l’équipe nationale de Pologne durant les Jeux olympiques de Rome en 1960, et y doit subir deux jours de coma après être tombé dans un escalier. Après son périple dans l’Est de l’Europe, il devient l’entraîneur du Gabon puis de l’équipe du RES Philippeville en Algérie. Il dirige ensuite le Standard de Liège, où il obtient rapidement de très bons résultats. Dans le plat pays, il découvre un système de jeu en 4-2-4 qui le comble de suite. Grâce aux qualités de son « Football champagne », il devient champion de Belgique en 1963, avant de prendre la poudre d’escampette vers Reims puis Rennes, son club de cœur, où il revient en 1964 pour succéder à son ami de toujours, Antoine Cuissard.
C’est le début de la belle période rennaise. Dorénavant reconnu sur la scène internationale, il apporte sa science du jeu sur les bords de la Vilaine. Grâce à l’avènement de joueurs comme Marcel Loncle, Daniel Rodighiero, Louis Cardiet ou Raymond Keruzoré, Il connaît d’emblée la réussite, accrochant une belle quatrième place en championnat pour sa première saison, et guide le club jusqu’à sa première victoire dans l’épreuve reine de la Coupe de France en 1965. Son 4-2-4 porte ses fruits, et permet à Rennes de développer un séduisant jeu offensif qui lui vaut les louanges de l’ensemble des observateurs du football hexagonal. Il remporte une seconde Coupe de France en 1971, et mène la deuxième campagne européenne du club face aux Glasgow Rangers. Jean Prouff reste finalement sept saisons dans le costume d’entraîneur du Stade rennais, durant lesquelles il dirigera 292 matches de championnat et 29 rencontres de Coupe de France. Des statistiques impressionnantes qui ne sont pas prêtes d’être dépassées.

Entraîneur unanimement reconnu par ses pairs, il passe finalement le témoin à René Cédolin en 1972, mais reste à Rennes jusqu’en 1973. Il prend ensuite les rênes du club de Berné qui évolue alors en D3, avec dans ses rangs un certain Christian Gourcuff. Sous sa houlette, le club morbihannais est tout près de réaliser l’exploit d’une accession en D2. Jean Prouff tient plus tard un rôle de conseiller technique à Quimper puis Brest, et épaule ensuite Raymond Keruzoré à la tête de l’En Avant de Guingamp (Prouff sera, quant à lui, un temps entraîneur de l’équipe réserve), puis au Stade Brestois et à Rennes (où il seconde notamment « Keru » au tout début des années 1990), avant de prendre sa retraite sportive, sans se désintéresser du football et surtout de la vie de son club de toujours, le Stade rennais. Et comme un symbole, il est logiquement élu entraîneur du siècle du SRFC, lors de la cérémonie du centenaire en 2001.
« Monsieur Jean », comme le surnomment respectueusement ceux qui ont été ses élèves, tels que Raymond Keruzoré ou Christian Gourcuff, est l’une des figures les plus marquantes de cette Bretagne du football. Lorsqu’il s’éteint à Trébeurden (Côtes-d’Armor) à l’âge de 88 ans, c’est toute une région qui pleure son décès. Jean Prouff a connu une carrière impressionnante de longévité, si bien qu’il est devenu au fil des années une référence en Bretagne où il a passé l’essentiel de sa carrière, et une légende à Rennes. En effet, il a passé près de vingt-trois années de sa vie au Stade rennais, dont treize comme joueur et dix comme entraîneur. Jean Prouff, c’est aussi l’histoire d’une amitié très forte avec Raymond Keruzoré, l’autre figure emblématique du ballon rond en Bretagne, qu’il lancera dans le grand bain professionnel en 1969. Avec sa disparition, le football breton a perdu son guide. Le Stade rennais, quant à lui, est dorénavant orphelin de celui qui est, encore aujourd’hui, le seul à avoir garni son armoire à trophées.

Paroles

Personnage charismatique du football breton, Jean Prouff a considérablement marqué l’histoire du fabuleux football breton. Lors de son décès en février 2008, les hommages vibrants se sont succédés. Morceaux choisis :

Daniel Rodighiero, ancien avant-centre rennais et vainqueur de la Coupe de France en 1965 : « Il ne pensait qu’à nous faire pratiquer du beau jeu. Les spectateurs étaient sûrs de se régaler. Sa philosophie du foot, c’était qu’il fallait simplement marquer un but de plus que l’adversaire ».

François Yvinec (ancien président du Brest Armorique) : « Quand j’étais gamin, j’achetais des Miroir du football ou des Miroir Sprint, et mon idole à l’époque était Jean Prouff, c’était ma star. Quand Raymond Keruzoré est arrivé à Brest, il a voulu que Jean Prouff l’accompagne. Je lui avais donné des responsabilités afin de superviser le club : c’était un « vieux singe » et il avait une manière de voir ce qui allait ou pas. On avait souvent parlé de son vécu et partout où il était passé, il avait réussi. C’est un homme qui avait beaucoup roulé sa bosse et il fut même entraîneur en Pologne. Il avait la tête sur les épaules mais je le trouvais trop effacé. Parfois, il aurait dû plus s’impliquer, surtout au vu de son vécu. Il s’abstenait et c’est dommage. Quand il était à Brest, il avait 68 ans mais il avait une énorme lucidité et c’était un attaquant dans l’âme. On a perdu un grand Monsieur du football ».

Monsieur Jean :

« On a un club pour la vie, moi c’est le Stade rennais ».

À son arrivée à Brest en 1986 : « Je comptais arrêter, je vais avoir 68 ans, mais c’est Raymond Keruzoré qui a insisté pour que je le suive à Brest. De toute manière, ça m’étonnerait que je meure ailleurs que sur un terrain de foot ».

Jean Prouff en 1987, au Brest Armorique : « Quand j’étais entraîneur à Rennes, on ne faisait aucune distinction entre un match à domicile et à l’extérieur. Le plus important était de bien faire jouer l’équipe et de la faire progresser, ce qui a débouché sur les victoires en coupe, et non de chercher à gagner à n’importe quel prix ».

Carrière :

Joueur :
1933-1936 : Stade rennais UC
1936-1938 : Saint-Pierre de Nantes
1938-1939 : SC Fives
1941-1942 : Stade Rennais UC
1942-1943 : SC Fives
1943-1944 : Équipe fédérale Rennes-Bretagne
1944-1948 : Stade Rennais UC
1948-janvier 1950 : Stade de Reims
janvier 1950-juin 1950 : FC Rouen
1950-1952 : Stade rennais UC
1952-1953 : Stade Malherbe de Caen
1953-1954 : AS Aix-en-Provence

Entraîneur :
1952-1953 : Stade Malherbe de Caen
1953-1954 : AS Aix-en-Provence
1955-1956 : En Avant de Guingamp
1956-1958 : US Boulogne
1958-1959 : Red Star FC
1960 : Sélectionneur de l’équipe de Pologne olympique
1960 : Sélectionneur du Gabon
1961 : RES Philippeville
1961-1963 : Standard de Liège
1963-1964 : Stade de Reims
1964-1972 : Stade rennais UC
1973-1976 : US Berné

Sources :
- Le Télégramme
- Ouest France
- « Les grands noms du football breton » par Georges Cadiou

Crédit photos :
forum footnostalgie

Vos réactions (3 commentaires)

  • Louis G

    11 janvier 2012 à 16h50

    Merci à Rodighiero pour cette rétrospective sur jean Prouff que je n’aurai connu que comme entraineur du Stade Rennais...j’étais loin de m’imaginer tout ce palmarès !!...avec Antoine Cuissard également bon joueur et entraineur ce sont des footballeurs d’origine morbihannaise qui sont à l’honneur tout comme ceux de la Saint-Colomban de Locminé qui sont devenus des « stars » nationaux voire internationaux face aux millionnaires du PSG le W.E. dernier !!...

  • Isaak

    12 janvier 2012 à 15h22

    Merci pour cet article c’est toujours bon pour des supporters relativement jeunes comme moi de mieux conaitre l’histoire du club.

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