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REPORTAGE : Comment le Stade Rennais travaille avec la vidéo ?

Thomas Rassouli 13 février 2024 à 21h46 12 commentaires

Avec 9 matchs en 29 jours, le Stade Rennais est pleinement lancé dans un mois de février extrêmement dense pour le seul club de Ligue 1 avec Paris jouant encore sur les 3 tableaux. Durant cette période, les séances sur le terrain se font plus rares, et l’accent est mis sur la vidéo. Comment travaille le SRFC dans ce domaine, notamment dans cette période spéciale ? Focus sur une méthode de travail bien spécifique.

C’est un secteur qui prend de plus en plus de poids ces dix dernières années, et sur lequel le Stade rennais va devoir compter spécialement durant ce mois de février. La cadence est effrénée pour un club jouant championnat, coupe de France et coupe d’Europe, et les temps de récupération courts. Dans ce contexte où Rennes joue tous les 3-4 jours, la vidéo devient encore plus importante. « On considère la séance vidéo comme une vraie séance d’entrainement en vérité, traitée en amont comme une vraie séance », explique Julien Stéphan. Un travail de fond, avec une méthode et une organisation bien précise.

Un organigramme etoffé

Il n’y a pas eu de chamboulements dans l’organigramme au moment de la nomination de Julien Stéphan mi-novembre. Arrivé sous Bruno Genesio, César Arghirudis est resté en charge du département analyse, déjà composé par Nathan Vialettes (analyste vidéo), Thomas Bellec (analyste data dans le département analyste vidéo) et Evan Princé (stagiaire analyste vidéo). Suite au départ de Vignesh Jayanth pour Monaco en décembre, c’est Chloé Gobe qui officie depuis en tant que Data Scientist, avec un rôle prépondérant sur le recrutement, essentiellement.

Le véritable changement, c’est le retour de Rudy Cuni, à l’origine du recrutement de Viallettes et Bellec lors de son premier passage à Rennes (2018-2021), et désormais entraîneur adjoint en charge de l’analyse vidéo. Désormais véritable adjoint de Julien Stéphan, il est son relais en ce qui concerne la vidéo. Depuis le changement de coach, c’est une « double adaptation » qui est recherchée, celle de la cellule d’analystes à la philosophie de Julien Stéphan, et celle du staff à la cellule pour s’inspirer des idées que chacun peut avoir.

Un rythme décalé

Les séances vidéo se préparent en amont, à deux niveaux. Il y a d’abord le travail de la cellule, effectué à « adversaire +2 » au moment où Rudy Cuni travaille lui à « adversaire +1 », au cours de la semaine où l’équipe pro reçoit le travail effectué sur son prochain adversaire. Exemple : à l’heure où ce papier est publié, l’équipe pro se prépare à l’aide de la vidéo à jouer le Milan AC (jeudi). Rudy Cuni travaille lui déjà sur Clermont (dimanche), tandis que la cellule vidéo travaille sur l’adversaire suivant, le PSG (dimanche 25 février). La cellule vidéo a donc toujours dans son travail d’analyse deux adversaires d’avance sur l’équipe pro, et présente son travail à Rudy Cuni qui lui pourra travailler dessus avec une équipe d’avance sur l’équipe pro.

Ce ruissellement de l’information est primordial dans l’organisation du département analyse. La cellule travaille à rendre un résumé le plus complet et détaillé possible à Cuni, sans surcharger cela d’éléments superflus. Dans un second temps, Cuni travaille à nouveau sur cet adversaire avant de présenter une synthèse à Julien Stéphan et au reste du staff, qui décideront ensemble de ce qu’ils transmettront au groupe pro.

Un gros travail en amont

En moyenne, la cellule vidéo travaillera sur 8 à 12 matchs d’un adversaire pour préparer la rencontre. Question méthode, chacun sa préférence, et celle de Rudy Cuni se base sur la répétition. À raison de 6 matchs visionnés par semaine minimum, il peut regarder « 250 à 300 séquences » sur un même thème, des sorties de balle aux coups de pied arrêtés, en passant par les déséquilibres, à la recherche d’une faille. « C’est très chronophage, mais très passionnant. Je considère qu’il faut de la quantité. Si on veut donner le moins possible aux joueurs à assimiler, il faut travailler le plus possible en amont pour réduire ça ».

Il y a l’adversaire, mais il y a aussi l’équipe du Stade rennais, analysée partout où elle joue sous tous les angles dans les stades équipés de caméras (pas les mêmes que celles des diffuseurs), et aussi à l’entrainement à la Piverdière, notamment par drone pour conserver une vision match. Ça, c’est le travail en amont. Car pour l’adjoint de Stéphan, il y a aussi l’aval : le retour de match. Peu importe l’heure du match de l’équipe pro, Julien Stéphan aura sur son bureau le lendemain à 14h maximum une analyse effectuée par Cuni sur le match qui vient de se dérouler, prenant « entre 6h et 7h de travail » à ce dernier qui va « se coucher le plus tôt possible après le match » et se lever tôt pour travailler à froid sur la rencontre. Dès le lendemain d’un match, le staff dispose de tous les éléments vidéo pour travailler sur son prochain adversaire.

La transmission d’informations comme priorité

Avec toute cette matière de travail, il s’agit pour le staff de faire le tri dans ce qu’il a à transmettre au groupe pro. « Sur les retours que je fais à Julien, il y a les grandes tendances collectives, et les particularités individuelles. On décide de les donner lors des vidéos collectives, ou en individuel aux joueurs », explique Rudy Cuni. « On part du très large, que je donne à Julien et au staff dès la fin du match qu’on vient de jouer, au très spécifique, qui sera présenté aux joueurs sur la séance ». Si le résultat final sera le fruit de discussions entre Cuni, Denis Zanko et Bouziane Benaraïbi (les deux autres adjoints du coach), c’est Julien Stéphan qui décide de la planification de diffusion des informations à son groupe.

Un adversaire peut être présenté en totalité, par parties, toujours sur les aspects offensifs et défensifs. « Sur un match par semaine, on peut faire de la vidéo tous les jours. Quand on joue tous les 3 jours, on fait quasiment autant de vidéo », résume Rudy Cuni. La vidéo est prépondérante en avant-match, utilisée deux jours avant, la veille et le jour de match à la causerie, presque systématiquement. En cours de match, c’est plus rare pour Julien Stéphan de l’utiliser, même si Cuni dispose toujours à la pause d’un montage effectué sur les 45 premières minutes, en cas de besoin.

Durant la semaine, les séances vidéo répondent à certains principes. « Le temps est important, mais pour moi c’est le nombre de messages qu’il y a à faire passer qui est important », pose Cuni. « On essaye de limiter le nombre de messages donnés aux joueurs, mieux les cibler, et de plus les répartir sur la semaine. C’est déterminant ». Le staff travaille donc à aboutir à 10 minutes de vidéo brute maximum, vidéo habillée et compréhensible. Le tout sera animé par Stéphan mais aussi par son staff, Cuni et Zanko présentant souvent l’adversaire, par exemple. Animée par le staff donc, mais aussi interactive. « C’est un moment d’échange. Si on ne donne des informations que de façon descendante, du coach vers les joueurs, ça met les joueurs dans une posture passive. Plus il est dans une posture passive, moins la réception d’information sera grande ».

Un moment d’échange

Les joueurs sont réceptifs à cette démarche, à l’image de Maxime Le Marchand, ancien joueur du SRFC qui a connu Stéphan et Cuni à Strasbourg. « J’adorais ça. Les séances vidéo qu’on faisait, c’était génial », nous expliquait-il en interview récemment.« Vraiment, les séances vidéo ce sont des séances d’entrainement. Où tu peux corriger, remettre en place à l’entrainement. Julien Stephan la rendait interactive. Il échangeait encore, était à l’écoute des joueurs sur le moment, pour avoir leur ressenti sur le terrain ».

Arthur Theate abonde lui aussi en ce sens. « J’aime beaucoup la vidéo, ça nous permet d’avoir une analyse de nous-même différente de quand on le ressent sur le terrain. Ce sont deux phases différentes. Dans ces enchainements de match on n’a pas le choix. On est obligés d’être réceptifs aux vidéos pour être performants et avoir une analyse juste de l’adversaire ».

Sur la forme, il y a tout au long de la semaine des séances vidéo collectives au Stade rennais, qui peuvent aussi se découper par lignes de joueurs (offensifs / défensifs / milieux), animées séparément par Stéphan et son staff. « C’est un sport collectif donc la séance collective est importante pour tous », confie Benjamin Bourigeaud. « C’est important car parfois on ne se rend pas compte des erreurs qu’on peut faire. Le retour vidéo peut nous mettre face à nous-même. En prise de responsabilité, c’est bien. Il n’y aucun tabou là-dessus. Ce n’est pas pour pointer du doigt qui que ce soit, c’est pour progresser. Je pense que c’est bien perçu par le groupe ».

Pas de tabou, mais des séances individuelles ont aussi leur importance. « Il y a aussi tout ce qui est informel, qui est super important », explique Rudy Cuni. « On croise un joueur, on lui montre une séquence qui lui correspond sur son adversaire direct ou sur lui quant à son retour de match » . La particularité, c’est que ce point informel peut se dérouler n’importe où à la Piverdière, même jusqu’en salle de restauration. « Les joueurs qu’on peut identifier comme ceux retenant moins d’informations, on ne va pas forcer pour qu’ils retiennent, mais essayer de leur donner les informations de façon plus fine » , résume l’adjoint.

Une composante parmi d’autres

Avec cette nouvelle organisation façon Stéphan, le Stade rennais a depuis son arrivée redressé la barre, commençant par une victoire face à Reims le 26 novembre, lors de laquelle le SRFC avait marqué sur coup de pied arrêté (un secteur qui ne lui réussit pas jusqu’alors), sur une séquence identifiée et travaillée à la vidéo. « C’est une top analyse de la part de Rudy Cuni qui s’occupe des coups de pied arrêtés offensifs et qui avait ciblé exactement ce qui s’est passé. Super boulot du staff et des joueurs par rapport à ça sur une présentation video qui avait été très claire et très précise. Le préparer c’est une chose, après il faut le mettre en application », avait alors salué Julien Stéphan après le premier succès de son équipe.

Depuis, le Stade rennais a connu quelques turbulences mais s’est ressaisi, et a engrangé dimanche un cinquième succès consécutif en Ligue 1 pour une équipe qui n’a plus perdu depuis 9 matchs, et reste engagé dans 3 compétitions, avant son déplacement à Milan jeudi. Avec un jour off hier, Rudy Cuni et la cellule vidéo ont peut-être pu souffler un peu au coeur d’un mois de février où leur secteur, qui n’est qu’une composante du fonctionnement bien plus complexe d’une équipe pro comme il aime à le rappeler, prend toute son importance.

Crédit photo : Stade Rennais F.C.

12 commentaires

  1. René Cassin
    13 février à 11h09

    Article très intéressant, j’ai beaucoup appris et apprécié.
    Merci

  2. Marcel Loncle
    13 février à 11h49

    Un sujet vraiment très intéressant et original. Merci Thomas.

  3. lolo
    13 février à 11h55

    faudrait nous expliquer le positionnement de Truffert sur les attaques de nos adversaires, on voit bien que Teathe joue finalement arrière central et arrière gauche

    depuis le temps même avec la vidéo le problème est toujours la ?

    si demain il ne tiens pas son poste ça va être journée porte ouverte

  4. Lolo
    13 février à 12h04

    Et Kalimuendo il est remplaçant, ou expulsé, parce que sur l’image il est assis

  5. Patbzh
    13 février à 12h45

    Super article très intéressant j’y ai appris beaucoup.
    Merci

  6. Vinz
    13 février à 13h35

    Merci Thomas Rassouli pour ce gros travail qui nous permet d’en apprendre beaucoup

  7. campesien35
    13 février à 14h01

    Article très fourni et intéressant. L’IA ne va pas tarder à intervenir...

  8. supporter
    13 février à 14h20

    Très intéressant et beau travail journalistique, j’espère que les notes d’après match seront en concordance avec tout ce travail préparatoire ainsi que des consignes données aux joueurs.

  9. Patlawin
    13 février à 15h12

    Excellent article en mode inside. Ce travail vidéo est certainement pour beaucoup dans la remontada actuelle de Rennes. Une bonne séance vid sur Milan AC et on leur colle une fessée. Au suivant !

  10. BIGNIC35
    13 février à 16h11

    Effectivement article très intéressant. Travail journalistique à saluer.

  11. CondateFan
    13 février à 21h01

    Nan mais vas t’amuser dehors avec tes petits camarades plutôt que de regarder la télé, t’es aussi amorphe que ton père c’est pas possible ça, braillait maman envers moi le mercredi.
    Eh bah si j’avais su, je n’aurais pas écouté la daronne, et je serais maintenent un membre à part entière de l’équipe à Juju qui mate la téloche pour gagner sa vie.
    Eh merde. La vieille a ruinée ma vie. Ça se voyait que Warmed était juste. Kali limité. Et Truffert un peu laxiste sur les phases défensives.
    Et du coup y faisait quoi les voyeurs de foot quand Grand-Mou officiait ? Y a-t-il une différence de niveau tel, que le même analyste vidéo, déjà présent sous Genesio, se métamorphose en cador du détail tactique avec Juju ?
    Mmmh ? En tous cas, et je rejoins sur ce point mes collègues commentateurs SROnaliens, bravo à Thomas pour ce petit compte rendu. En revanche, mais qui sont ces joueurs à qui il faut répéter ou resumer commme à des gamins car il n’ont rien compris du premier coup ?
    Mmmh ?

  12. Redondo5
    18 février à 08h44

    Merci pour ce coup de projecteur sur une dimension peu connue du travail de tout un staff. Si on y ajoute les composantes physiques, athlétiques, mentales et médicales on comprend mieux le rôle exigeant du coach. Un rôle qui va donc bien au-delà de simplement composer une liste de noms le jour du match.
    Dédicace à tous les commentateurs qui auraient tendance à s’improviser coach devant leur clavier.

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