ENTRETIEN - Gaël Danic : « Le début de saison de Rennes est fantastique »

Lorient - Rennes, c’est un match particulier pour toi ?

Oui, j’ai joué dans ces deux clubs, et ce sont deux clubs bretons. Etant donné que je suis un peu chauvin, c’est un match doublement particulier. Rennes c’est mon club formateur, mon club de coeur. Lorient j’y ai encore des amis.

Comment juges-tu le début de saison du Stade rennais ?

Les 3 ou 4 premiers matchs ont été un peu compliqués, dû sûrement aux nouvelles arrivées. Il faut que la mayonnaise prenne et il y a avait pas mal de nouveaux. Ils ont eu du temps pour mettre des choses en place, et on voit qu’il y a un bon feeling entre tout le monde, que les recrues se sont bien intégrées. Le début de saison de Rennes est fantastique parce qu’au delà d’avoir des résultats, ce qui reste le nerf de la guerre, il y a de la qualité. Ils pourraient gagner 1-0 à l’arrache sans forcément être bons. Mais ils nous gratifient de belles prestations à tous les niveaux, tactiquement, techniquement ou même en terme d’intensité, de volume, d’efforts. Pour toutes ces raisons, ils me font kiffer, vraiment. J’ai toujours prôner le collectif, et franchement j’aurais presque envie de jouer dans cette équipe là (rires).

Quelle est la grande force du Stade rennais actuellement ?

L’effectif. Dans le football, ce qui est compliqué c’est de gérer les égos, surtout ceux qui ne jouent pas ou peu. Il s’avère que les joueurs qui sont remplaçants ou jouent peu, on les écoute dans la presse, ils ont de belles paroles, et les actes qui vont avec. Quand ils rentrent sur le terrain, ils ont envie de démontrer qu’ils ont la possibilité de jouer. Même les remplaçants sont là pour faire la différence et c’est ça qui est génial. On voit (Adrien) Truffert qui rentre face à Lyon et met un doublé. Il n’y a aucun geste d’humeur. Il y a un bon état d’esprit, personne n’est revanchard. Ça ne parait rien, mais c’est ce qui fera la différence, contrairement à Lyon où ils perdent 4-0 et se chamaillent pour savoir qui va tirer un pénalty.

Comment l’expliques-tu ?

Pour connaitre Bruno Genesio et Florian Maurice, je pense que la problématique de Rennes sur ces dernières années, quand on se disait qu’il fallait finir 5ème ou 6ème, quand on savait que mathématiquement on était prêts de remplir les objectifs, c’était « acté ». Genesio ce n’est pas ça. S’il dit qu’il faut finir 5ème, mais qu’à trois mois de la fin, il y a possibilité de finir plus haut, il ne s’arrête pas aux objectifs fixés. C’est une perpétuelle progression, toujours aller chercher plus. Il a ramené à Rennes, avec Florian Maurice, l’état d’esprit d’un gros club comme Lyon qui depuis 20 ans joue la coupe d’Europe, avec l’exigence du haut niveau. C’est de ne jamais se gargariser de ce qu’on a, sans aller chercher plus. Ce n’est pas parce que Rennes n’avait pas l’habitude de jouer la coupe d’Europe ces derniers temps que ça ne peut pas devenir le prochain Lyon. Il faut que ça rentre dans les têtes. Le public rennais est très exigeant, et quand je vois la communion qu’il peut y avoir depuis 3-4 ans entre l’équipe et les supporters, c’est peut-être déjà la plus belle victoire. On le voit avant les matchs, une heure et demi avant le match la Route de Lorient est blindée, comme après le match. Les gens aiment se retrouver au Roazhon Park car ils s’identifient à cette équipe là, ce qu’ils ne faisaient peut-être pas sur les dix dernières années.

Il y a parfois quelques déconvenues comme jeudi face au Vitesse Arnhem (3-3). C’est un accident selon toi ?

Pour moi ce n’est pas un accident. Je les ai trouvés émoussés. Je n’ai pas vu de différence par rapport à d’habitude sur l’état d’esprit, l’envie. Mais ils ont mis le curseur tellement haut, qu’on va forcément se dire à un moment qu’ils n’ont pas été bons. Je ne les ai pas trouvés mauvais, mais moins bons que d’habitude.

Quel est le point faible du Stade rennais ?

On verra comment ils gèreront la Coupe d’Afrique des Nations. Défensivement, surtout dans l’axe, ils n’ont pas pléthore de joueurs. C’est à ce niveau là que ça me fait un petit peu peur car ça fait quand même quatre matchs (Lens, Bordeaux, Clermont, Brest, NDLR). Ça parait peu, mais quand on joue le haut de tableau, on n’a pas 50 jokers, et quatre matchs ça fait beaucoup.

Est-ce qu’il aurait fallu un défenseur supplémentaire ?

Je pense, parce qu’au final à part Aguerd, Omari et Badé… Il y a Jérémy Gélin c’est vrai, mais il a été blessé. Ça peut être une solution, il a prouvé par le passé qu’il avait le niveau, après il revient de blessure. Il a perdu des repères, il a beau avoir travaillé, les entraînements et la préparation physique ne remplacent pas les matchs. Ça reste une incertitude, non pas en terme de talent, mais de condition.

« Les gens aiment se retrouver au Roazhon Park car ils s’identifient à cette équipe là »

Certains joueurs t’ont-ils impressionné depuis le début de saison ?

Je souligne toujours le collectif. Après, je ne suis pas surpris, mais j’aime beaucoup Gaëtan Laborde. Au delà de marquer, ce qui est son rôle, il insuffle une dynamique. Quand tu vois ton attaquant qui fait des courses de haute intensité pour aller presser, tu te mets au diapason. J’adore aussi Baptiste Santamaria et Jonas Martin. Ils ont tendance à tourner et il n’y en a pas un qui pêche. On a deux numéros 6 de haut niveau, et c’est un luxe. J’adore aussi Benjamin Bourigeaud, le joueur comme l’homme.

Face à Lorient, la victoire est-elle impérative ?

C’est à la portée de Rennes comme toutes les équipes. Quand on voit le niveau de Rennes, pour moi il n’y en a pas une qui lui est supérieure. Après ça va dépendre de comment Rennes va se sentir. Le papier c’est une chose, il y a aussi la réalité du moment. Rennes a joué jeudi, je les ai senti émoussés. Est-ce qu’ils auront récupéré ? Lorient est une équipe joueuse, qui aime avoir la balle. Ça va être compliqué, c’est un derby et ce sont toujours des matchs particuliers. J’espère que Rennes aura récupéré toutes ses forces.

Christophe Pélissier disait avant la rencontre qu’actuellement, Rennes était la meilleure équipe de Ligue 1 collectivement, devant le PSG. Es-tu d’accord ?

Complètement. Pour aller plus loin, collectivement, et j’entends par là non seulement la tactique, mais aussi l’état d’esprit, le fait de jouer les uns pour les autres, beaucoup d’équipes sont meilleures que Paris, et pas que Rennes.

Tu es depuis le début de saison consultant pour France Bleu Armorique. Comment te sens-tu dans ce nouveau rôle ?

J’adore. Le rôle de consultant me va très bien, c’est nouveau pour moi. Je suis content qu’il y ait une petite mise en danger avec le direct. Il y a la petite adrénaline, même si ce n’est pas la même, que je pouvais avoir en étant joueur, cette petite pression. Ça me plait. J’essaye d’apporter ma petite pierre à l’édifice, avec le travail phénoménal que fait François Rauzy. J’aime bien ça, je supporte mon équipe, je découvre. Le football c’est ma vie. Ils pourraient retransmettre des matchs de DH ou de R2 que je les regarderais.

Quelles difficultés as-tu peu rencontrer dans ce nouveau rôle ?

Lorsque j’étais joueur, j’ai toujours combattu l’image du footballeur qui n’avait rien dans la tête. Je m’attachais toujours à bien parler. Ça m’a valu à juste titre quelques réflexions de François qui m’expliquait que je parlais presque « trop bien ». J’étais trop costard-cravate. Il attendait de moi que je sois un peu plus libéré, joueur.

Qu’essayes-tu d’apporter ?

Le côté analyse, ce que les gens n’ont pas l’habitude de regarder devant un match. Sur un but, je vais essayer de ne pas me focaliser sur la finition ou la passe, mais savoir pourquoi le centreur a eu du temps pour centrer, voir l’appel du coéquipier qui aura libéré un espace par exemple. J’essaye aussi par mon vécu de faire comprendre qu’il faut prendre en considération le peu de temps que vous avez pour prendre une décision sur le terrain, et le réaliser.

Tu as arrêté ta carrière récemment, tu es désormais consultant. As-tu d’autres objectifs ?

J’aimerais rentrer au Stade rennais, mais je ne veux pas rentrer pour rentrer. Je veux être utile. Quand j’ai signé à Lyon à 32 ans, Rémi Garde m’avait dit qu’il me suivait depuis dix ans, mais qu’il ne m’avait pas recruté à cause de ma réputation de joueur ingérable. Si j’avais signé à Lyon à 22 ans, j’aurais peut-être pu faire une carrière encore plus belle. Aujourd’hui j’ai une légitimité en tant que footballeur avec mon vécu. J’aimerais faire gagner du temps aux jeunes, et leur faire comprendre que le talent ne suffit pas. Il faut bosser. Pourquoi pas faire le relationnel entre Bruno Genesio et les joueurs, leur faire comprendre que dans le football il faut être patient, qu’ils auront leur chance. Ce serait une manière d’alléger le travail de l’entraîneur sur ce point là, sans prendre part aux décisions. De plus, je pourrais également aider au travail devant le but avec des spécifiques attaquants, de manière ludique, en complément.

Propos recueillis par Thomas Rassouli