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19 avril 2023 | à 15h07

RÉCIT : De Bruxelles à Rennes, Ibrahim Salah raconte son incroyable parcours

Arrivé à Rennes sur la pointe des pieds, Ibrahim Salah jouait encore en réserve à la Gantoise en août dernier. Désormais international marocain, l’attaquant revient de très loin, et a dû attendre ses 20 ans pour signer son premier contrat professionnel. De Bruxelles à Rennes, en passant par Leicester, Birmingham et Dubaï, Salah raconte son parcours à SRO. Première partie avant la suite, demain.

RÉCIT : De Bruxelles à Rennes, Ibrahim Salah raconte son incroyable parcours

Comment le foot a commencé pour toi ?

J’ai commencé au Stade Everois, un club de région, à 8 ans. À 11 ans je suis parti à Woluwe-Zaventem, un autre club provincial. On jouait aussi au niveau national. Ensuite je suis parti à l’Union Saint-Gilloise. J’ai commencé ma première année en élite mais je me suis blessé au doigt, et je suis revenu en groupe B. J’ai joué 3 ans en groupe B de mes 13 à 15 ans. Je n’ai jamais joué au haut niveau.

Tu n’avais pas, comme beaucoup aujourd’hui, l’étiquette de « crack » ?

J’étais le petit joueur technique, mais pas le grand costaud. Je n’étais pas prêt, j’ai eu un retard de croissance, elle est arrivée à 16 ans seulement. Ensuite je suis parti à Mouscron en élite, puis au Beerschot (club d’Anvers, ndlr). J’avais 17 ans et je jouais en réserve, puis en U18. À la fin de l’année, le directeur sportif me dit qu’ils vont recruter beaucoup de joueurs, que je n’ai pas le niveau, qu’il ne croit pas en mes qualités, que je ne deviendrai peut-être pas professionnel, et qu’ils veulent m’envoyer en prêt en 3e division. J’ai refusé directement.

Comment rebondis-tu ?

Beaucoup de personnes me contactaient, je n’avais pas d’agent. Après le Beerschot, je rencontre un mec avec qui je parle vite fait. Ensuite, plus rien. Un jour, je suis à la maison et mon frère me dit d’aller courir. On se prend un peu la tête et je finis par aller courir. À la fin de mon footing, je vois des potes qui jouent au foot en 5 contre 5. Je joue, et là, je revois ce mec qui était venu voir un de ses joueurs. Il me propose de faire un tournoi à Bristol, en Angleterre. Je joue 6 matchs, je mets 4 buts et une passe décisive. J’ai eu des rapports de clubs anglais comme Manchester United, Chelsea, Leicester. Je pars en essais à Brighton, Leicester, Chelsea, pour au final finir avec 13 essais en un an et demi.

Dans quel état d’esprit es-tu au moment de partir faire ces tests ?

Il m’a dit qu’il y aurait de gros clubs, j’étais motivé, on ne sait pas de quoi sera fait demain. Il y avait du stress, c’est normal. J’étais jeune, j’avais à peine 18 ans. Ce sont des sacrifices, mais j’ai eu une famille qui m’a beaucoup aimé, était beaucoup derrière moi. C’est ce qui a fait ma force, quand les gens ne croyaient pas en moi, ma famille croyait en moi. Et moi aussi, j’ai toujours su que je deviendrais professionnel. Comment, je ne sais pas, mais j’allais me battre pour ça. Je voyais d’autres joueurs avec d’autres qualités qui le sont devenus, et je me suis dit que c’était une question de temps.

« J’ai pris des tartes »

Tu restes un an et demi en Angleterre, comment ça s’est passé ?

Le mec qui m’avait ramené là-bas m’avait logé à Birmingham. Il y avait une académie avec laquelle je m’entraînais tout le temps, je jouais des matchs contre des équipes comme Sheffield Wednesday, tout ça. Je partais souvent en test. J’ai dû faire beaucoup de tests car il y avait toujours un problème avec le Beerschot. Je n’avais pas une famille qui connaissait beaucoup le football. Je suis arrivé en Angleterre, je n’avais pas démissionné du Beerschot, c’était comme si je leur appartenais toujours, c’était une affiliation. Je faisais des tests qui ne servaient à rien vu que j’avais des problèmes d’administration. Je suis resté 4 mois à Leicester, ils faisaient tout pour que je signe. Il y avait aussi Brentford, c’étaient les deux clubs que j’avais. Il y a aussi des tests où je n’ai pas été bon, comme Chelsea, car je n’étais pas prêt. Beerschot demandait des indemnités, et comme ils savaient que c’était un club de Premier League, ils ont envoyé le paquet. Leicester n’était pas prêt à payer pour un jeune qui venait de nulle part. Ça n’a pas collé. Mais je suis très content d’avoir fait ça. J’ai grandi, j’ai pris en maturité, je suis devenu autonome, j’ai pris des tartes, j’ai vu que le football ce n’est pas facile.

Tu n’avais peut-être pas ce recul à ce moment là ?

Si. Quand je rentrais, j’étais frustré, mais cette frustration me permettait de plus me donner. Je suis quelqu’un qui ne lâche jamais. Je peux être nul, mais je garde ça en moi et je travaille. Je sais que le travail, ça paye. Même si j’ai des qualités, ça ne suffit plus. Le football a tellement évolué, tout le monde sait faire des jongles, des coups de rein, des crochets. Ce sont des petits détails.

Durant ces tests, sur quelles qualités comptais-tu ?

Ma tête (sourires). C’était mentalement, uniquement. J’avais ma technique, mais si je vais bien mentalement, sur le terrain ça se déroule parfaitement. Mais si dans ma tête je suis un peu hésitant… Moi c’est tout ou rien. Il n’y a pas de « moyen ». Soit je suis très bon, et tu vas te dire « wow c’est qui celui-là ? ». Soit je suis un joueur normal. Quand je sens que ce n’est pas mon jour, je joue simple.

Après ces essais, que fais-tu ?

Je suis revenu en Belgique, j’ai dit au mec qui s’occupait de moi « c’est bon » (il fait un signe de la main). Je grandissais, j’avais 19 ans, je commençais à douter. Un joueur de foot, il doute tout le temps. C’est ça qui fait sa force, d’avoir chaque semaine un nouveau challenge. Le jour même t’es bon, le lendemain t’es mauvais. Tu te demandes pourquoi, et tu te remets à travailler. Encore, et encore. C’est comme ça que tu avances. Je me suis dit que j’allais essayer de trouver un club en Belgique. Mais quand j’arrive en Belgique, mon premier coach me dit qu’il y a un club pour moi, à Dubaï, le Shabab Al-Ahli. J’y vais, je reste deux semaines. Je marque deux tops buts les deux premiers matchs. Ils me proposent 5 ans, un bon salaire, et une prise en charge de presque toute ma famille. Mon père m’a dit que j’étais encore jeune, que si je restais en Belgique, je pourrai toujours aller aux Emirats ensuite, mais que si j’allais aux Emirats, je ne pourrai plus rejouer en Europe.

Quelle décision prends-tu ?

Je me suis servi de cette offre-là pour avoir un test à Gand (La Gantoise, ndlr). Je fais un entraînement avec la réserve, un jour, et le coach me dit que c’est bon. Je les avais tué, j’avais tellement gouté à l’Angleterre. J’ai signé une convention de 700€, pour 6 mois. Le matin, je mettais juste mon diesel et je partais à l’entraînement en me disant que j’allais signer mon contrat. Il y avait des joueurs sous contrat dans mon équipe, et je me suis dit que ce n’était qu’une question de temps. J’enchaine les matchs (en réserve), et je ne fais que marquer, même de la tête. On joue un match de coupe, je mets un doublé. Le lendemain, on me fait une proposition de contrat. J’ai signé pro. Un contrat avec des indemnités. Je suis devenu professionnel. Un statut professionnel. (le 27 décembre 2021, ndlr).

Tu décroches enfin le contrat professionnel à 20 ans, qu’as-tu ressenti ?

Je me suis dit que j’allais tout arracher (sourires). Ça y est, ce n’était qu’une étape dans ma vie, je n’étais ni trop heureux, ni trop… C’était la petite récompense de toutes ces étapes. Je savais qu’il y en aurait d’autres après. Je crois au destin, je ne suis pas arrivé là par hasard. Je croyais en moi, je regardais l’équipe première et je me disais que je pouvais y arriver. En réserve, j’avais un coach difficile, Emilio Ferrera. Il me criait dessus alors que je ne faisais que marquer, que je bonifiais l’équipe. La veille du dernier match de la saison, contre Breda, je me prends un peu la tête avec lui. Il me dit que je n’apporte pas beaucoup à son équipe, il voulait forcer un déclic chez moi. Moi, je m’énerve, j’ai 20 ans, je porte l’équipe, je la motive par texto avant les rencontres, je lui dis que je ne suis pas d’accord avec lui. Je rentre à la maison énervé, je me dis « demain je vais mettre 4 buts, il va arrêter de parler ». Contre Breda, je marque triplé en 45 minutes. J’ai enchainé la préparation avec les pros (à l’été 2022, ndlr), et ça a été un coup de coeur avec le coach (Hein Vanhaezebrouck, ndlr).

Cinéma et PlayStation

Tu signes ton premier contrat pro en décembre 2021 à La Gantoise, tu intègres le groupe pro à l’été 2022, puis tout va très vite pour toi…

Oui, le coach m’a fait jouer partiellement, puis Tarik Tissoudali s’est blessé et j’ai eu plus de temps de jeu. Je rentre contre Seraing, passe décisive. Je commence contre Courtrai, deux buts. Je fais de bons matchs, je vais en sélection U23 avec le Maroc, puis je pars en vacances en novembre dernier. On m’appelle pour me dire qu’il y a Rennes sur moi, et d’autres clubs de Ligue 1, de Bundesliga, et de Championship. Je me dis que c’est fou. On me dit que c’est pour l’été (2023, ndlr), je me dis que je vais revenir en stage à Gand, et me donner à fond jusqu’en été.

Et finalement, le 30 janvier dernier...

J’étais au cinéma, mon frère m’appelle et me dit « je crois que ça va se faire ». Je lui dis « quel club ? ». Il me répond « Rennes ». J’ai directement quitté la salle de cinéma, je m’en foutais du film. J’avais acheté des pop-corn, tout ça, bref (sourires). Je sors du ciné, je rentre à la maison, je suis dans mon lit. Mon frère me dit « je pense que ça va être chaud ». Je vais me coucher, puis mon frère me rappelle à 1h du matin (la nuit du 30 au 31 janvier, ndlr), « fais ta valise ». Le lendemain on était en congés avec Gand. Personne ne le savait. Tous les footballeurs de mon équipe, le staff, ils étaient choqués (quand ils ont appris le transfert, ndlr).

Tu arrives le matin du jour de fermeture du mercato à Rennes, et là ce n’est pas fini.

J’arrive à 13h à Rennes, on me récupère à l’aéroport, on va faire les tests médicaux, tout est carré. Après mes tests, on vient ici (à la Piverdière), et il y a un problème avec Kamaldeen (Sulemana). J’étais confiant, et je me dis que de toute façon, si ça ne se fait pas, ça se fera en été. Puis finalement, on a signé.

Le départ très tardif de Kamaldeen Sulemana, ça ne t’a pas fait douter ?

Je savais qu’il allait partir, tout ça, ça fait partie du jeu. Finalement ça s’est fait, et j’étais le plus heureux du monde. J’ai rendu fier tout le monde.

Entre ton arrivée à 13h et la signature, tu n’as pas stressé ?

J’ai attendu 3h environ ici (à la Piverdière), tranquille, je faisais mes trucs. Je suis rentré à l’hôtel, je suis allé manger, je suis même allé au Leclerc pour acheter une PlayStation. Personne ne me connaissait à Rennes, maintenant ce n’est plus la même chose, surtout avec la sélection.

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Crédit Photos : Stade Rennais F.C.

Vos réactions (8 commentaires)Commenter
Le porteur de babouches19 avril 2023 à 10h30

Ca à l’air d’être un bon gars, malgré tout difficile de voir en lui les qualités d’un grand attaquant.
Etrange aussi que La gantoise le laisse partir s’il était si fort que ça.... D’ailleurs l’attaquant qui l’a remplacé là bas (arrivé le 31/01/23), Emmanuel Orban, a planté 14 pions en 14 matchs toutes compétitions confondues, c’était peut être lui qu’il fallait aller chercher !

CondateFan19 avril 2023 à 11h40

Et comme les gens en belgique, eux aussi, en tout cas dans ce patelin ci le répètent sans arrêt : « meme si Mouscron y veut pas nous on est la ! » Oh mais tototote, pas de ça là ici. Enfin si, ce Salah ci, mais ne causons pas ici de celui qui sali ça en causant bien du souci par ici...
Salah, donc. Ibrahim de son prénom. À ne pas confondre avec son homonyme célèbre, légende du Stade Rennais,Kuijstim...
Une PlayStation chez Leclerc ? Mais l’échalas ne pouvait pas se permettre de faire ces achats là. Question de notoriété certainement.
Quant à celle d’Ibrahim, il devra en faire plus sur le terrain -de courses- qu’à l’hyper du coin, si il veut s’imposer et inscrire autant de buts que son glorieux prédécesseur.

campesien35 19 avril 2023 à 12h21

I. Salah croit en lui. Faisons de même. Il lui faudra du temps de jeu mais B. Genesio a peut être trouvé son équipe type depuis Reims. « Affaire à suivre ». I. Salah a signé jusqu’en 2027.... Bienvenue en Bretagne.

breizh rouge et noir 19 avril 2023 à 13h33

Lui il faut le garder , c’est un possible futur très bon joueur et il est déjà bon.

Faite lui confiance donner lui quelques joueurs d’expériences autour de lui , pour moi dans un style différent il est plus complet de Doku.

J’espère qu’il obtiendra des titularisations la saison prochain mais ca , ca dépend aussi de lui ;) je lui souhaite que le meilleur .

Rodighiéro 6519 avril 2023 à 13h44

Bien intégré, et en confiance il y aura chez ce joueur quelque chose de positif ,à quel niveau je n’en sais rien, mais à le voir jouer et bien encadré, pourquoi pas mieux qu’un attaquant de complément en plus il ne se prends pas au sérieux ce qui par les temps qui courrent ce n’est pas plus mal ........... à suivre.

Yann5019 avril 2023 à 14h10

Il doit améliorer sa prise de balle pour se mettre dans les bonnes dispositions, il a l’air d’avoir un bon volume de jeu et de la vitesse...

Zanbar Bone19 avril 2023 à 16h17

Pour moi c’est un joueur qui va tout exploser, il a une qualité de dribble et une aisance technique qui me rappelle un certain Ben Arfa mais le melon en moins lol. J’ai hâte de la voir titulaire.
Il a besoin de progresser défensivement et sans doute sur le placement mais je pense que c’est un top joueur en devenir. On verra…

Lulu19 avril 2023 à 19h15

Je ne peux qu’aller dans le sens du porteur de babouches…
J’aime beaucoup l’esprit du joueur et je le préfère largement à Flopku et Tokoflop mais difficile de l’imaginer devenir un top joueur chez nous

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