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Jonathan Bru : « J’aurais peut-être eu besoin de plus de temps »

Duhault 13 février 2012 à 12h35 3 commentaires

Interview, 1ère partie. Comme Jimmy Briand et Arnold Mvuemba, Jonathan Bru a participé à la conquête de la Coupe Gambardella 2003 avec le Stade Rennais. Depuis, les trois amis ont pris des horizons différents, sans pour autant couper l'amitié qui les liait. L'aîné des frères Bru, qui fait carrière au Portugal depuis cinq ans, revient pour Stade Rennais Online sur sa nouvelle vie.

Stade Rennais Online : Jonathan, comment un des plus grands espoirs rennais au début des années 2000 peut-il avoir eu un parcours comme le votre, sans connaître pour l’instant de clubs majeurs ?

Jonathan Bru : « C’est vrai que tout se passait bien pour moi jusqu’à la porte des professionnels. J’avais signé très tôt mon contrat professionnel, presque tout gagné chez les jeunes… Puis c’est devenu plus compliqué parce que le talent ne suffit pas parfois. Il y a d’autres facteurs qui rentrent en jeu, des personnes, des intérêts différents... Sans oublier le système actuel du football qui peut empêcher un sportif de haut niveau de s’épanouir totalement. »

SRO : C’est un sentiment d’inachevé que vous conservez de ce passage ?

J.B. : « Non, pas vraiment. Après, c’est sûr que j’aurais aimé exprimer mon potentiel au Stade Rennais. Certains ont eu plus de chance que moi. Je pense à Moussa (Sow, ndlr) qui a connu beaucoup de difficultés à Rennes avant de signer à Lille. Ce sont un peu les aléas du football. »

SRO : Est-ce difficile quand on est jeune d’avoir le poids des espoirs placés au-dessus de sa tête comme ce fut le cas pour vous ?

J.B. : « Ce point ne m’a pas posé de problème. Au contraire, ça me donnait confiance. Puis je suis quelqu’un qui aime les responsabilités. Dans les générations 1984, 1985 et 1986, nous étions des jeunes assez matures. Pour la plupart d’entre nous venions de quartiers difficiles, donc on était déjà forgés et on pouvait assumer certaines responsabilités. »

SRO : Neuf ans après, que reste t-il de cette fameuse Coupe Gambardella en 2003 avec cette finale au stade de France contre Strasbourg ?

J.B. : « Un souvenir tout simplement merveilleux. On avait fait un parcours extraordinaire, on battait tout le monde… Quand on arrivait sur le terrain, on se regardait et on savait ce que l’on avait à faire. L’année d’avant, on avait gagné le championnat des moins de 18 ans. Mais au niveau de la Gambardella, cette saison-là, on était vraiment au-dessus dans tous les domaines. On était vraiment une bande de copains qui sont devenus des amis. On était très proche, on s’entraidait tout le temps et je me rappelle qu’il y avait une belle communion entre nous. »

SRO : Deux ans après, vous remportez le tournoi de Toulon avec l’équipe de France espoirs (Jimmy Briand et Arnold Mvuemba étaient aussi présents, ndlr), garnissant un peu plus votre vitrine de trophée. L’avez-vous pris comme une petite revanche sur la finale du championnat d’Europe 2002 des -17 ans contre la Suisse ?

J.B. : « Un petit peu. Car l’épisode suisse nous était resté en travers de la gorge, même s’il n’y avait pas beaucoup d’éléments à Toulon qui avaient participé à ce championnat d’Europe. J’aurais bien voulu remporter cette finale des moins de 17 ans, mais je me suis rattrapé quelques années plus tard avec le tournoi de Toulon. C’est toujours quelque chose de particulier de gagner ce genre de compétition. Ce fut une sensation différente de la Gambardella parce que c’est la sélection, tu ne sais pas si tu seras appelé, alors qu’en club, tu te prépares différemment vu que tu en parles tout au long de l’année. Puis, quand on sait tous les joueurs qui ont joué et gagné ce fameux tournoi de Toulon, c’est quand même prestigieux. »

SRO : Pour en revenir à Rennes, on a l’impression que le club ne vous a pas donné le temps d’éclore. C’est votre sentiment ?

J.B. : « Oui, ça l’est. J’aurais peut-être eu besoin de plus de temps, vu que tous les jeunes footballeurs n’atteignent pas leur maturité au même moment. C’est comme ça. Maintenant ma carrière n’est pas terminée non plus. Je garde toujours de bons souvenirs de Rennes, je reçois quelques messages de supporters qui me demandent des nouvelles. C’est toujours sympa. Cela me fait rire parce qu’ils me disent tous qu’ils croyaient que j’allais m’imposer au Stade Rennais. Il y a tellement de bons joueurs aujourd’hui qu’on ne peut pas les mettre tous en équipe première. Pour ma part, j’étais un des premiers de ma génération à jouer en professionnel. J’avais donc envie d’évoluer, de jouer, donc c’est pour ça que j’ai demandé à partir afin de prouver des choses. J’étais peut-être trop pressé. Mais si c’était à refaire, je referai la même chose. »

SRO : Vous avez depuis conservé des liens avec des joueurs que vous avez côtoyé à Rennes, voire des personnes de l’encadrement du club ?

J.B. : « Oui, Jacques Faty, Jimmy Briand, Moussa Sow, Arnold Mvuemba… Puis d’autres qui n’ont pas signé professionnel comme Antoine Ponroy, Papakouli Diop... J’en oublie plein (rires). On a conservé des liens intimes, assez forts, avec lesquels j’ai des projets en dehors du football. Quand on peut, on se voit régulièrement, on se conseille… Après, je n’ai pas connu beaucoup d’entraîneurs à Rennes. J’ai eu Philippe Bizeul durant ma première année, Landry Chauvin après puis Laszlo Bölöni en professionnel. Concernant ce dernier, je ne dirais pas qu’il m’a marqué mais c’est lui qui m’a lancé en Ligue 1, il venait en plus du Sporting Portugal, un grand club. »

SRO : De cette génération Gambardella, si vous deviez désigner un élément qui sortait du lot, ce serait qui et pourquoi ?

J.B. : « C’est compliqué parce qu’il y avait des 1984, des 1985 et des 1986. Chez les 1984, sincèrement, c’est Jacques Faty parce qu’il avait des qualités naturelles de leader, une grande maturité et son point fort c’était qu’il avait une grande influence sur le groupe. Chez les 1985, moi ! Non je plaisante (rires). C’est sans conteste Arnold Mvuemba qui, selon moi, ne fait pas la carrière qu’il devrait faire. Il a un énorme talent et je pense que les clubs français vont prendre conscience de tout ça, afin qu’il l’exprime à sa juste valeur. C’est un joueur qui en plus n’a pas trop confirmé son potentiel à Rennes. Quant aux 1986, je vais choisir sur l’ensemble de la génération et pas que sur ceux qui ont gagné la Gambardella, sinon je suis obligé de citer Yoann Gourcuff. Pour moi, c’est Moussa Sow avec sa vitesse et ses qualités de finisseur qui, déjà à l’époque, étaient impressionnantes. »

SRO : S’ensuit deux saisons à Istres (2006-2008) puis, à partir de là, vous débutez votre carrière portugaise. Racontez-nous.

J.B. : « Après Rennes, je me suis fait une fracture du métatarse qui m’a perturbé pendant de longs mois. Donc je n’ai joué que la deuxième partie de saison à Istres. Le pire, c’est que quand je quitte ce club, je pars blessé alors que durant six ans à Rennes, je ne m’étais jamais blessé. Je me suis retrouvé ensuite au chômage donc j’ai fait des essais un peu partout, dont un en Australie. J’ai trouvé refuge à Paphos en Chypre mais mon contrat n’avait pas été homologué par la FIFA. Ensuite, je suis allé faire un essai au Portugal, à l’Academica Coimbra, club dans lequel j’ai connu Domingos Paciência (qui est aujourd’hui l’entraîneur du Sporting Portugal, ndlr) puis André Villas Boas (technicien de Chelsea, ndlr). Le Portugal, quoi qu’on en dise, ce fut pour moi une nouvelle mentalité, un nouveau football et je suis très content d’être dans un pays qui aime ce sport, qui le vit, tout simplement. Autre point important, les entraîneurs que j’ai connu là-bas sont des hommes qui m’ont marqué, parce qu’ils ont une certaine façon de se comporter avec leurs joueurs. C’est presque comme des pères qui s’adressent à leurs enfants. Villas Boas, qui était jeune (il avait 32 ans, ndlr), était comme un frère, en quelque sorte (rires). À l’UD Oliveirense, mon second club au Portugal, c’était la même chose avec Pedro Miguel. Ils ont vraiment un instinct paternel et ça, dans le groupe, on le ressent bien et on sent une certaine protection. C’est très important. »

SRO : C’est ce qui vous a manqué en France ?

J.B. : « Bien sûr. Quand tu es un jeune joueur, tu as besoin de ça. C’est un plus indéniable et c’est fondamental. »

SRO : Il y a six mois, vous avez signé à Moreirense FC (D2 Portugaise) en provenance de l’UD Oliveirense. Pourquoi ce plan de carrière ?

J.B.  : « La saison dernière, avec l’UD Oliveirense, on a fait pratiquement la course en tête pendant tout le championnat et on a craqué vers la fin, manquant la montée de peu. J’ai ensuite fait le choix de rejoindre Moreirense FC, même si j’avais aussi d’autres clubs de Division 2 Portugaise qui pensaient à moi. J’ai même reçu une proposition d’un club de première division (Feirense, ndlr). Moreirense FC avait vraiment la volonté de construire un groupe pour atteindre un meilleur classement que l’année dernière, en visant le haut de tableau. Maintenant, c’est vrai que tous les arguments ont été mis pour faire une saison intéressante, voire excitante. Pour le moment, c’est encore trop tôt pour dire si on joue ou pas la montée. On fera un point en avril. Car le championnat est trop resserré devant. On gagne deux matchs on se retrouve en haut, on en perd deux on est bas… »

SRO : En janvier dernier, en Coupe du Portugal, Moreirense FC est revenu du Sporting Portugal avec un nul (1-1). C’est une sacrée performance.

J.B. : « C’est un match référence pour tout le monde. Je suis très content car je n’avais pas beaucoup joué depuis début décembre (blessure au genou, ndlr) et je suis revenu lors de ce match après quelques semaines d’entraînement. Tout s’est bien passé, l’équipe a joué son football, et avec un peu de réalisme on aurait même pu gagner ce match. Les supporters du club étaient ravis et étaient très fiers de nous. »

SRO : Quelle importance a Moreirense FC dans le paysage du football portugais ?

J.B. : « C’est un club qui a joué en première division (de 2002 à 2005, avant de redescendre en D2, ndlr), sans devenir un grand club comme le FC Porto ou le Sporting Portugal. J’ai la conviction aujourd’hui que les dirigeants actuels veulent lui redonner un autre statut. »

SRO : Vous avez tiré un trait sur le championnat de France ?

J.B. : « Pas du tout. J’ai souvent eu des contacts avec des clubs français. Arles-Avignon me voulait lors de leur montée en Ligue 1 (saison 2010-2011, ndlr). J’ai failli signer aussi à Dijon quand mon frère y était (entre janvier 2010 et janvier 2011, ndlr). Mais c’est vrai que revenir en France serait une belle opportunité pour moi. »

Demain, deuxième partie de l’interview de Jonathan Bru, qui revient pour nous sur ses origines mauriciennes, et sa position en équipe nationale de l’Île Maurice.

3 commentaires

  1. Louis G
    13 février 2012 à 14h03

    A quand le retour des frères Bru au Stade Rennais ?...avec des parcours différents , les vainqueurs de la Coupe de 2003 semblent être restés unis et pourraient bien se retrouver à quelques uns au Stade de la Route de Lorient dans quelques années !!...imitant ainsi Julien Féret !...

  2. Sa3k
    13 février 2012 à 15h06

    Interview très intéressant. Merci.
    Petite coquille : « On perd deux matchs on se retrouve en haut, on en perd deux on est bas. » C’est bien ça de perdre et de monter au classement !! :D

  3. Sylvain
    13 février 2012 à 16h57

    Louis G > Malheureusement (pour eux), tous les joueurs qui quittent le club prématurément n’arrivent pas au niveau qu’a atteint Féret ! Pour l’heure, au vu de leurs parcours respectifs, les frères Bru en restent loin, donc le club n’a pas de vrai intérêt à les faire revenir. Ce serait peut-être plus le cas d’un Mvuemba qui a montré de belles choses ces dernières saisons à Lorient.

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