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26 décembre 2022 | à 23h31

REPORTAGE : le Stade rennais en Guadeloupe, une histoire qui dure

De l’Ille-et-Vilaine à l’île aux belles eaux, il n’y a qu’un pas. Depuis plusieurs années, le Stade rennais entretient un lien particulier avec la Guadeloupe, matérialisé par un partenariat avec le Stade Lamentinois, où Jeanuël Belocian a fait ses premières classes avant de franchir le pas et de rejoindre la Bretagne. SRO est parti à la découverte d’une terre de champions, où il est loin d'être facile de percer dans le football.

REPORTAGE : le Stade rennais en Guadeloupe, une histoire qui dure

Il y a des signes qui ne trompent pas. Ce samedi soir, au milieu des camions vendant bokits et agoulous, spécialités disponibles sur toute l’île, l’enseigne « Chez Alain » propose une autre merveille culinaire moins répandue sur les routes : des crêpes. Situé entre le collège de l’Appel du 18 juin et le cimetière, construit dans une pente mettant à rude épreuve les cuisses les plus robustes, se dresse le Stade Municipal Germain Barbier, à Lamentin, commune située à 15 km de Pointe-à-Pitre. Rue de la République où il est domicilié, les curieux passent vite leur chemin à la vue des immenses murs cerclant l’enceinte, mais il y a de l’animation dans la petite rue Hégésippe Légitimus. Quelques minutes plus tôt, le Stade Lamentinois vient de s’imposer 3-0 face à l’AO Gourbeyrienne, club du Sud de Basse-Terre, dans un match de milieu de tableau du championnat de R1. Le président du Stade Lamentinois Mickael Merabli peut souffler, la semaine se termine bien, et elle a été bien remplie.

En cette fin novembre, le Stade Lamentinois vient d’accueillir plusieurs jours Denis Arnaud, directeur du centre de formation du Stade rennais, et Philippe Barraud, responsable du recrutement. Au programme, visites du Cerfa, du pôle espoirs, rencontres avec la Ligue Guadeloupéenne de Football, et tournée des médias locaux pour les représentants rennais, durant quelques jours intenses garnis évidemment de détections, allant des U9 aux U15. « C’était une semaine très chargée durant laquelle on espère renouer et retisser les liens. » confie le président Merabli, adossé au mur. « On a été freiné dans nos relations à cause du covid-19 ces deux dernières années. Il était important de pouvoir reprendre cette collaboration. » Un nouvel élan recherché après un coup de frein lié à la pandémie, pour une relation nouée sur un coup de coeur.

Bouche à oreille et voiture customisée

L’histoire entre le Stade rennais et le Stade Lamentinois commence en 2016. Cédric Vanoukia, ancien joueur du SRFC d’origine guadeloupéenne et aujourd’hui entraîneur des U17 à Rennes, se rend en Guadeloupe durant ses congés, et rencontre Mickael Merabli, alors à la recherche d’un lien avec un club professionnel de métropole. « Sylvain Wiltord et Jocelyn Angloma avaient joué à Rennes. On s’est dit que ce club avait une histoire avec la Guadeloupe. » sourit Merabli, taquin. « Et puis, comme la Bretagne est la région la plus proche de la Guadeloupe… »

De fil en aiguille, le rendez-vous est pris avec le directeur du centre de formation de l’époque, Landry Chauvin. Mickael Merabli monte dans un avion, direction la Piverdière à 6500 km de là. Les deux hommes échangent durant une heure, Chauvin est invité en Guadeloupe. Sur place quelques temps plus tard, un beau comité d’accueil l’attend. « Mickael avait une voiture, on était obligés de le reconnaitre en Guadeloupe. Je l’appelais Magnum. Elle n’était pas rouge, mais noire avec de grandes bandes vertes. Il m’a fait découvrir toute l’île. » se rappelle l’actuel sélectionneur de l’équipe de France U20. « Ça nous a permis de nous connaitre en tant que personne. Les partenariats tiennent souvent aux hommes. » Celui-ci se noue donc il y a 6 ans, autour d’axes bien définis. « Il y avait un projet très cohérent. Ce qui nous intéressait c’était la vocation qu’ils avaient à structurer tout l’encadrement des jeunes. » Landry Chauvin multiplie alors les déplacements pour détection, au côté de Philippe Barraud déjà, ou d’autres éducateurs, et ne tarde pas à trouver deux pépites.

Belocian, le commencement

Lorsque Mickael Merabli entame ses démarches, c’est avec dans la valise deux joueurs à fort potentiel : Jeanuël Belocian (2005) et Lucas Rosier (2007). Les jeunes pousses sont observées par Chauvin et Barraud lors d’une séance, et contribuent indirectement à la réalisation du partenariat. « On l’a su deux jours avant. » confie Jeanuël Belocian, aujourd’hui intégré au groupe pro de Bruno Genesio, à 17 ans. « Tu te dis que c’est quand même un grand club qui vient te voir. Mais il faut être focus, pour montrer ce qu’on sait faire, notre capacité à comprendre les choses. C’est important dès le plus jeune âge. » À 12 ans donc, l’âge de Belocian alors, et avec une grande difficulté pour tous ces joueurs, le premier sujet évoqué chez tous les interlocuteurs rencontrés : le terrain.

« Quand j’y vais la première fois, j’assiste à un entraînement sur un terrain catastrophique. » se souvient Landry Chauvin. Difficile de contredire le technicien, tant les terrains de l’île sont presque tous cabossés, troués, et parfois laissés à l’abandon, du Nord au Sud, de Grande-Terre à Basse-Terre. Défaut d’entretien mais aussi de moyens, les matériaux n’ont pas le même coût en Guadeloupe qu’en métropole, et le terrain synthétique (très rare sur l’île) réalisé à l’aide de la DTN pour le Cerfa constitue en cela une amélioration et une chance pour les meilleurs de bénéficier de bonnes conditions de jeu. Un maigre lot de consolation au regard de la situation globale, pour laquelle le Stade rennais connait aussi ses limites. L’amélioration des structures est moins un sujet entre les deux clubs que l’accompagnement des éducateurs guadeloupéens, axe fort de leur relation. « Le partenariat permet la détection de joueurs à potentiel, mais va aussi dans le sens de la formation. » acquiesce Mickael Merabli. « Lorsque les dirigeants viennent en Guadeloupe, ils ont la formation sur place et ça nous permet aussi de partir à Rennes pour la formation de nos éducateurs en immersion. Au-delà de la prospection de joueurs, il y a cet échange de formation qui nous permet de progresser. »

Il s’agit donc parfois de trouver des alternatives aux mauvaises conditions d’entraînement, n’ayant pas empêché la Guadeloupe d’incarner une terre de champions, mise en avant aux 4 coins de l’île. « Le fait d’avoir commencé sur ces terrains, ça te force à te concentrer. Pour moi ce n’est pas un inconvénient, mais un apprentissage qui te permet d’être bien quand tu arrives sur des terrains comme en métropole. » témoigne Belocian, originaire des Abymes, commune pour le moins vallonnée. « Avoir des billards comme à Rennes, contrairement à là-bas où il y a des trous, des bosses et des flaques, le changement est radical. » Mais pas seulement sur le terrain.

Accompagnement et acclimatation

Une fois vus sur l’île, les joueurs sont souvent invités par le Stade rennais à Rennes, pour poursuivre le processus de détection, sur des périodes longues, à différents moments de l’année. « Au début tu viens avec la famille pour découvrir. Au fur et à mesure, tu reviens tout seul pour comprendre que tu vas te retrouver tout seul au bout d’un moment. » poursuit Jeanuël Belocian, n’ayant pas oublié son deuxième voyage en Bretagne. Lors d’un amical en déplacement à Angers avec la génération supérieure, le jeune Belocian découvre un tout autre climat, en plein hiver.

« Il faisait très très froid. Le fait de jouer une première fois sous la pluie, la grêle, le vent, c’est dur. On a les mains et les pieds gelés. Je ne connaissais pas, j’ai découvert. J’ai toujours eu l’habitude de jouer à 29-30 degrés. Arriver sous 3 degrés, tu as des gants, des chaussettes hautes. Tu as froid, tu attends une seule chose c’est la fin du match. C’est un changement, mais tu te dis que pour arriver là où tu veux, t’es obligé de passer par là. » Landry Chauvin lui, est définitivement convaincu. « Là, on s’est dit qu’il était prêt, prêt à faire tous les sacrifices nécessaires pour réussir. D’autres (joueurs venus eux aussi en essai) étaient méconnaissables ce jour là. »

Si le Stade rennais accorde une attention toute particulière à l’accompagnement des jeunes venus de Guadeloupe, grâce aux éducateurs et personnes officiant à l’ETP Odorico et à l’Académie, Belocian constitue néanmoins un cas particulier. Premier joueur issu du partenariat entre le Lamentinois et le SRFC, il est également issu d’une famille de sportifs, notamment frère du hurdler Wilhem Belocian. « Je leur tire mon chapeau car c’est grâce à eux si aujourd’hui j’ai une mentalité comme ça. » confie Jeanuël, remerciant ses parents et son autre frère, n’oubliant cependant pas les coups de blues. « La famille crée un manque, c’est sûr. Dans les moments difficiles, tu ne peux que les appeler au téléphone. Tu les appelles deux fois dans la journée. Mais si tu veux arriver au plus haut niveau, tu es obligé de te défaire de ça. » Une réalité parfois trop lourde pour les jeunes pousses du Stade rennais, de métropole mais aussi des Dom-Tom. En 2020, Donovan Monteville, capitaine des U15 de La Réunion ayant rejoint le SRFC ne va pas au bout de son contrat aspirant, souffrant trop de la distance avec son île natale. Le club breton y avait prospecté, comme en Martinique également.

Un partenariat pas comme les autres

Rennes n’est pas le seul club à s’être intéressé à la Guadeloupe. Dijon, Le Havre ou le Paris FC sont présents, sous différentes formes, en partenariat ou non. Après une période incertaine liée au covid-19, le Stade rennais se rendait donc via Denis Arnaud et Philippe Barraud pour la première fois depuis un certain temps sur l’île aux belles eaux, et aux belles perspectives. « C’est ça la viabilité du partenariat. » pointe Mickael Merabli. « Le Stade Lamentinois fait bénéficier toute la Guadeloupe de la venue du Stade rennais. L’ensemble des éducateurs auront des échanges avec Philippe et Denis. L’ensemble des enfants seront vus par Philippe et Denis. Peut-être que des joueurs d’autres clubs vont leur plaire, et nous on servira d’intermédiaires entre ces clubs et le Stade rennais. »

Un seul club donc, pour balayer toute une région garnie de quelques 1300 licenciés cette année (sur près de 400 000 habitants sur l’île), et où le football tient une grande place dans la vie de tous les jours. Le grand nombre de terrains pour une île de 1600 km2 le prouve, et le partenariat liant le Stade Lamentinois au Stade rennais jusqu’en 2024 fait espérer de belles promesses pour l’avenir. « La relève sera là, ne vous inquiétez pas (sourires). » C’est Jeanuël Belocian qui vous le dit.

Propos recueillis et photos prises sur place par Thomas Rassouli

Vos réactions (3 commentaires)Commenter
Nikolaz27 décembre 2022 à 10h45

Moi je trouve ça très bien d’aller prospecter dans les DOM-TOM, des territoires isolés et souvent oubliés. Mais il serait bon que le Stade se réapproprie aussi et surtout les terrains de foot bretons où des jeunes pétris de talent jouent tous les week-ends. J’aimerais voir plus de Bretons dans notre équipe (comme promis au début de l’aire Pinault) et un peu moins de Franciliens qui désertent à la première offre venue de D2 anglaise. J’espère vraiment que le réseau de détection du SRFC se recentrera un jour sur notre beau pays.

CondateFan27 décembre 2022 à 16h45

Tiens, dans la série J’aime lire revoilou DOM-TOM et Thomas.
Une bien belle histoire en quelques Point Chapitre pour expliquer les relations footballistique et de recrutement entre les west-indies et Roahzon.
En attendant, comme dit Belocian le bien nommé, JeaNuel à vous tous !

Yann 27 décembre 2022 à 22h22

C’est bien pour ces jeunes....Mais on ne me fera pas croire que parmi les milliers de jeunes bretons on ne trouve personne !! Je suis d’un âge où nos applaudissements étaient pour Cosnard,Keruzoré ,Bocquenet, Delamontagne,Hiard, Guermeur, cédolin ,Bigné ,Didot ,Gràgnic, Guivarc’h ,Gourcuff...Des joueurs d’ici

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