Stade rennais : Jeanuël Belocian, le passage à l’âge adulte

Sur la scène européenne, on était resté sur cette image, forcément marquante, un triste soir de février, celle des larmes de Jeanuël Belocian après son but contre son camp malheureux face au Shakhtar Donestk et l’élimination du Stade rennais de la Ligue Europa, quelques jours seulement après avoir fêté ses 18 ans. Il n’est pas question de l’effacer, elle fera partie de sa carrière et de son histoire, mais huit mois plus tard, le défenseur rennais a laissé au placard ses mouchoirs et a pu afficher un grand sourire après la victoire rennaise contre le Panathinaïkos (1-2) et une prestation remarquable de sa part. Le mois dernier, Belocian décrochait son baccalauréat, mais il n’a pas fait son âge, ce jeudi soir, sur la pelouse du bouillant stade Apóstolos Nikolaïdis, où il a livré un match de papa et sans doute gagné quelques fans.

Un caractère de feu

Il faut dire que Belocian, arrivé de la Guadeloupe en 2020, semble plus à son aise au poste de défenseur central. Il l’avait retrouvé quatre jours plus tôt à Lorient, où il s’en était bien sorti dans un contexte délicat, entre les erreurs de Warmed Omari et le fait de devoir composer avec deux compères différents en charnière. Ses intérims comme latéral gauche n’avaient rien eu de désastreux, mais il y avait cette sensation qu’il manquait de repères et que ses qualités pouvaient le faire briller dans une position un peu plus axiale. Ce qu’il a fait en Grèce après avoir pourtant vécu une entame de match compliquée. Il y a d’abord eu quelques approximations, une certaine facilité à se faire transpercer et une grosse faute sur Đuričić qui lui a valu un carton jaune orangé (21e).

Après une faute de Jeanuël Belocian devant sa surface lors du match de Rennes face au Panathinaïkos en Ligue Europa, le jeune défenseur s'est expliqué intensément avec son coéquipier Nemanja Matic.https://t.co/yF0MfVhKLp

— RMC Sport (@RMCsport) October 26, 2023

C’est aussi à ce moment précis qu’il a lancé sa montée en puissance et qu’il a montré qu’il n’avait peur de rien, pas même de Nemanja Matić, de 17 ans son aîné. Après avoir vu l’arbitre lui brandir une biscotte, Belocian a vivement reproché au Serbe son manque de communication, alors que le milieu de terrain semblait en capacité de récupérer le ballon derrière si le défenseur avait laissé filer le joueur du Pana. Ce qui a offert une scène inattendue, celle d’un échange très court, mais très intense entre les deux partenaires rennais. Elle aura pu être interprétée comme un manque de respect d’un novice pour un taulier de la trempe de Matić, mais à la lumière du match, elle témoigne surtout du sacré caractère de Belocian. Ces choses-là arrivent sur un terrain et elles ne sont pas si importantes quand elles ne vont pas plus loin. Il a montré beaucoup de personnalité dans son jeu en même temps qu’il a gagné en solidité et en sérénité. Il a éteint les flammes grecques dans la surface à plusieurs reprises devant Ioannidis. Il y a aussi eu un certain plaisir à le voir célébrer une intervention défensive comme un but en seconde période, avant qu’il n’exulte au coup de sifflet final. Un tourbillon d’émotions positives et contagieuses pour une équipe.

Belocian à conjuguer au présent ?

En cela, il dénote à côté d’Omari, très dans le contrôle et qui masque à peu près tout ce qu’il ressent sur un terrain. À chacun sa personnalité, mais Belocian a quelque chose d’inspirant et de rassurant. C’est comme s’il avait aimé souffrir dans cette rencontre, il n’a en tout cas pas eu peur de se faire mal et ne s’est pas caché quand on pouvait penser que les Rennais allaient finir par craquer. Son sauvetage sur la ligne à la toute dernière seconde est l’ultime symbole de son match réussi et a permis aux Rouge et Noir de ramener les trois points dans leurs valises. « Je peux faire mieux, a-t-il lancé en zone mixte dans un sourire pour répondre à la question qui était de savoir s’il avait livré son meilleur match avec les pros. J’apprends à force de faire des matchs, je prends de l’expérience avec le groupe et je continue d’avancer, c’est le mieux pour moi et pour l’équipe. » La presse grecque est même tombée sous le charme, visiblement, du défenseur rennais élu MVP de la partie dans un canard athénien.

Jeanuel Belocian, MVP même dans les médias grecs ! #SRFC pic.twitter.com/bGcelhK3cw

— François Rauzy (@RauzyFrancois) October 27, 2023

Il a aussi rappelé que son copain Omari avait été là pour lui après le Shakhtar et qu’il n’avait eu aucun souci à lui rendre la pareille cette semaine après Lorient. C’est une charnière jeune, perfectible, mais elle semble plaire à Bruno Genesio, qui n’avait pas hésité à lui faire confiance pour la double confrontation décisive contre Donetsk. La concurrence pourrait être ravivée avec Arthur Theate, blessé dimanche dernier et entré comme latéral gauche, un poste auquel il évolue en sélection, sur la pelouse du Panathinaïkos. Ce n’est qu’un match, mais le natif de Guadeloupe a emmagasiné une expérience folle et bénéfique de son malheur du Shakhtar à son bonheur athénien. Il doit encore apprendre, il fera des erreurs, des moins bonnes prestations, mais elles lui permettront d’accélérer sa progression.Prolongé jusqu’en 2025 cet été au bout de négociations difficiles, Belocian n’incarne plus seulement l’avenir au Stade rennais, mais peut-être aussi le présent.